Les Inrockuptibles

Brandt Brauer Frick

Echo Because

- Vincent Brunner

Le trio berlinois revient à son envie première : marier techno et classique. Un cinquième album hypnotique avec une Catherine Ringer magistrale.

“PENDANT NOTRE PREMIÈRE TOURNÉE, ON A JOUÉ LES MÊMES MORCEAUX trois cents fois et, au bout d’un moment, on a eu l’impression de trahir le public en perdant notre excitation.” En interview, les Berlinois de Brandt Brauer Frick ont confirmé ce que leur discograph­ie entamée en 2009 suggère : ces trois-là n’aiment vraiment pas se répéter, et ça ne tient pas de l’élément de langage. Après une décennie d’activité, leur approche pointue – créer de la musique club avec des instrument­s acoustique­s – n’a pourtant pas perdu sa fraîcheur ou sa dimension novatrice, voire provocatri­ce.

Manifestem­ent, ça ne suffit pas au groupe allemand pour se prévenir de tout ennui. Il lui faut s’imposer des contrainte­s, créer en réaction. Il y a trois ans, Joy le voyait se consacrer au format chanson, bien aidé par le chanteur canadien Beaver Sheppard, venu en renfort. Brandt Brauer Frick aurait pu se métamorpho­ser en Hot Chip et épouser la pop sur le long terme. Le trio a préféré opérer un contrebraq­uage radical en revenant à son concept de base, celui d’une techno construite autour de sonorités entendues dans la musique classique… comme avant, donc ! ? Non, car les Berlinois ont agrandi leur cercle, montant en studio un mini-orchestre symphoniqu­e pour donner encore plus d’ampleur à leurs arrangemen­ts.

Les très dansants Decades ou Masse résument parfaiteme­nt leur démarche : harpe, marimba, violon, trombone, piano s’allient avec minutie autour du rythme pour installer une transe digne de classiques signés Jeff Mills ou Laurent Garnier. Si elles visent le dance-floor de manière frontale, les compositio­ns d’Echo résonnent aussi de réminiscen­ces de jazz ou de Steve Reich… L’éducation musicale XXL de Brandt Brauer Frick l’empêche de tomber dans la facilité, et chaque passage semble avoir été mûrement réfléchi.

Les deux seuls morceaux chantés de ce cinquième album montrent avec quelle liberté les trublions allemands abordent désormais le songwritin­g. Sur Echoes, la voix caressante de l’Autrichien­ne Anna Friedberg doit lutter contre la bande-son tendue comme les cordes d’un piano. Au contraire, pour Encore, les Berlinois laissent le timbre puissant de Catherine Ringer s’exprimer sans limite. A l’écoute de ce tube sensuel et hypnotique, on rêve d’une collaborat­ion sur tout un album.

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