Les Inrockuptibles

Titus Andronicus

An Obelisk

- Adrien Durand

Merge Records/Differ-Ant

L’Américain Patrick Stickles confirme qu’il est le digne héritier du punk-rock mélodique à la Replacemen­ts.

Depuis ses débuts en 2005, Titus Andronicus et sa tête pensante Patrick Stickles ont cultivé une ambition intellectu­elle et musicale de haute volée. The Monitor, album-concept sur la guerre civile américaine, connut à sa sortie, en 2010, un joli succès critique et public, coïncidant avec un nouvel âge d’or du rock à guitares, né dans des salles DIY. Presque une décennie plus tard, la gentrifica­tion des grandes métropoles américaine­s a gagné la bataille. La plupart des musiciens indie ont fui pour des contrées plus vertes.

C’est dans ce contexte que Titus Andronicus sort An Obelisk, son sixième album, alors que son leader rentre dans la trentaine avec l’obligation simultanée de devoir survivre à un monde qui change et de s’adapter à la vie d’adulte. Depuis son succès initial, Patrick Stickles doit vivre avec le poids d’avoir sorti un album punk majeur des années 2000. Là où beaucoup se seraient effondrés sous la pression et la précarité, le musicien a enchaîné les disques passionnan­ts, malgré un changement de label et un diagnostic de syndrome maniaco-dépressif (exploré dans le rock opera The Most Lamentable Tragedy, en 2015).

Pour accoucher d’An Obelisk, Patrick Stickles s’est reconnecté au canal historique du punk-rock américain, chez Steve Albini à Chicago, avec Bob Mould (Hüsker Dü, Sugar) à la production. Puissante et sans fioritures, la musique de Titus Andronicus revient ici à un niveau beaucoup plus modeste d’ambition conceptuel­le et renoue avec une approche abrasive et rapide. Ces trente-huit minutes jouées droit dans le mur sont baignées de l’héritage des Replacemen­ts. On y retrouve ce même mélange d’agressivit­é éthylique et d’humour désabusé, frappant sur (I Blame) Society. Mais Titus Andronicus ne se laisse pas pour autant vampiriser par ses modèles, loin de là. On retrouve la touche unique de Stickles et ses accents pub rock sur le très réussi Hey Ma et son pont de guitares harmonisée­s qui sonnent comme des cornemuses.

L’an dernier, A Productive Cough, assemblage de ballades folk (dont une relecture de Like a Rolling Stone de Bob Dylan), avait surpris le public du groupe. An Obelisk, pensé par le musicien comme le pendant rapide à ce disque plus calme, sonne comme la vision honnête et pure d’un musicien face à son monde qui s’écroule. “They’re making a dirty fortune selling something that’s barely working / An inferior version of rock and roll”, chante-t-il sur l’introducti­f (et très réussi) Just Like Ringing a Bell. On n’est pas certain de savoir à qui s’adresse Patrick Stickles, mais une chose est sûre : Titus Andronicus ne baisse pas les bras et signe un retour plein de panache.

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