11 Fois Fátima
de João Canijo
Avec Cléia Almeida, Vera Barreto Leite (Por., Fr., 2017, 2 h 33)
Dans ce road-movie fascinant sur le dépassement de soi par la foi, un groupe de femmes entreprend un long pèlerinage.
Il y aurait un essai passionnant à consacrer à la répétition dans la religion, et qui, à notre connaissance, ne nourrit pas encore les étagères des librairies spécialisées en théologie. Si, par l’action de ramener à la vie les paroles figées d’un texte lors des différents rites et cérémonies, les trois grands monothéismes s’inscrivent naturellement dans une forme de répétition, on retrouve dans beaucoup d’autres habitudes religieuses la prière dite répétitive, dans laquelle le fidèle prononce plusieurs fois la même invocation. Habitude que l’on pourrait interroger : est-ce que la répétition d’un même geste ou parole les dépossède de toute intériorité et relève du pur formalisme ou bien, au contraire, permet-elle d’en sauvegarder le sens profond ? C’est la question qui hante le film de João Canijo. Pendant plus de deux heures, la caméra suit onze femmes lancées dans l’interminable pèlerinage de Fátima (le Lourdes portugais), périple durant lequel elles vont parcourir 400 km en dix jours. 11 Fois Fátima accentue l’effet de répétition de la marche en construisant sa mise en scène et son récit comme une machine cyclique imperturbable : le jour, les marcheuses sont accompagnées par de longs travellings latéraux puis le soir des cadres fixes à l’intérieur des caravanes captent les corps au repos. Frappées par la difficulté titanesque de l’exercice, des tensions et conflits inévitables au sein du collectif, certaines des participantes commencent à douter : est-ce que ce geste accompli au nom de la foi a un sens ? Continuer à marcher ou renoncer formule alors en creux un questionnement hautement plus vertigineux : pourquoi continuer à croire alors qu’il n’y a peut-être rien ?