Histoires de désir
Dans deux albums joyeusement impudiques, ANNE BARAOU, FANNY DALLE-RIVE et NINE ANTICO abordent la sexualité avec beaucoup de naturel.
UN HOMME, INCONSCIENT DE LA PORTÉE DE SES PROPOS, un sourire idiot sur les lèvres, insiste auprès de sa compagne navrée : “T’en as eu des plans foireux avant moi, hein ! T’en as eu plein !” Ailleurs, une jeune femme déclare à celui qu’elle veut séduire apprécier la maladresse au lit… Plusieurs heures plus tard, le garçon se montre tellement gauche qu’elle finit par regretter son aveu. Plans lose et incompréhension post-coïtale sont au programme de Tout cul nul, suite de saynètes autour du désir, de la jouissance et des frustrations qui peuvent naître dans l’intimité.
Anne Baraou et Fanny Dalle-Rive mettent ici en scène des anecdotes qu’elles ont recueillies, des tranches de vie sexuelles peu glorieuses mais drôles. Le trait épuré de Dalle-Rive installe une proximité immédiate entre les protagonistes et nous. Ainsi, sans préliminaires superflus, chaque double page entre dans le vif du sujet jusqu’à sa chute inéluctable et souvent inattendue. La force de cet album à consommer sans modération vient de la ligne de conduite suivie par les auteures. Le sexe s’affiche ici au naturel et, malgré des situations scabreuses, sans aucune vulgarité.
Dans Maléfiques, le sexe n’est cette fois-ci pas montré de manière explicite mais on le retrouve dans toutes les bouches, dans toutes les conversations. Nine Antico réunit en effet dans un appartement plusieurs copines au parler cru pour nous mettre dans la position de voyeurs. Constipation, musculation du périnée, utilisation de sextoys et visionnage de porno… elle nous fait assister à des conversations sans tabous. Les répliques acerbes, à même de faire rougir les oreilles les plus chastes, y fusent et s’emparent de sujets de société – de MeToo au twerk. Placé sous l’égide de Sorcières. La puissance invaincue des femmes, l’ouvrage féministe de Mona Chollet, son petit théâtre trash aux couleurs flashy et perméable à l’air du temps repose d’abord sur son talent de dialoguiste. Au fil des pages, ses protagonistes parfois irritantes ou surprenantes (la sirène en attente de greffe de pénis !) deviennent attachantes jusqu’au dénouement.
Tout cul nul d’Anne Baraou et Fanny Dalle-Rive (Cornélius), 276 p., 22,50 €
Maléfiques de Nine Antico (L’Association), 64 p., 16 €