Les Inrockuptibles

Beau Joueur de Delphine Gleize

(Fr., 2019, 1 h 43)

- Jacky Goldberg

La cinéaste a passé sept mois aux côtés des rugbymen de l’Aviron bayonnais, rencontrés au moment de leur “ascension” vers le Top 14.

“C’est l’histoire d’une équipe de rugby qui vient d’accéder au Top 14 avec un culot monstre ; c’est l’histoire d’une euphorie dont ils ont du mal à se remettre”, prévient la voix de la cinéaste Delphine Gleize (Carnages, La Permission de minuit), dans la bande-annonce de son documentai­re Beau Joueur, son cinquième long métrage. C’est aussi, sur un plan plus théorique, l’histoire d’une image qui essaie de devenir corps, et qui n’y parvient pas vraiment. Non pas que le film manque d’incarnatio­n, au contraire : Gleize filme avec amour ces rugbymen meurtris par les matchs hebdomadai­res et les entraîneme­nts intenses.

Ce qui ne s’ajuste pas, c’est l’idée que le groupe se fait de lui-même, symbolisé par une petite vidéo triomphant­e, tournée à l’iPhone le soir de “l’ascension” (de la deuxième vers la première division, en 2016), et la réalité de leur combat quotidien, qui tient en un mot : descente. Violente descente : tous les week-ends ou presque, l’Aviron bayonnais se prend une déculottée. Et tous les lundis, leur coach, l’affable Vincent Etcheto, tente de les remotiver, avec une efficacité toujours moindre… D’un côté une image de victoire, de l’autre des corps qui s’enfoncent dans l’échec, et qui souffrent, et qui craquent (“on pourrait se faire un XV rien qu’avec les blessés”, plaisante un kiné de l’équipe). Pourtant, et c’est là sa plus grande réussite, Delphine Gleize y croit et nous fait y croire, jusqu’au bout – puissance du cinéma que de détromper le réel, même lorsqu’on en connaît l’issue. On pense alors à Rocky, bien que contrairem­ent à John G. Avildsen qui filme la boxe, Delphine Gleize ne s’intéresse pas au rugby d’un point de vue sportif ; son regard est pleinement absorbé par les gladiateur­s, pas par leur combat. Du coup, qu’importe le résultat : à la fin, une image demeure, par-delà les défaites et les victoires, une image ni héroïque ni tragique, simplement humaine.

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