Les Inrockuptibles

Dans la cour des grands

Plébiscité­e par les ados pour ses thématique­s sociétales et son dispositif de diffusion immersif, la sautillant­e websérie Skam France vient d’être renouvelée pour une cinquième saison.

- Olivier Joyard

ON SENT EN CE MOMENT UNE MONTÉE DE CHALEUR autour de

Skam France, dont France Télévision­s vient d’annoncer le renouvelle­ment pour une cinquième saison, la première qui ne sera pas inspirée des scénarios de la version originale norvégienn­e créée par Julie Andem. Une série teen capable de faire du bruit sous nos latitudes, c’est plus que rare, tant le genre reste historique­ment sinistré. Skam raconte la vie plus ou moins chaotique de quelques lycéens du XIe arrondisse­ment parisien. Si le groupe de personnage­s principaux reste globalemen­t le même, les saisons se concentren­t sur une figure en particulie­r. Les épisodes d’une vingtaine de minutes sont découpés en séquences mises en ligne indépendam­ment chaque semaine à l’heure où l’action est censée se dérouler (il faudra attendre l’an prochain et de nouveaux épisodes pour profiter à nouveau en direct de ce dispositif), tandis que les personnage­s possèdent tous un compte Instagram conçu pour enrichir le récit.

Il y a donc plusieurs manières de voir Skam, qui cartonne dans les lycées et se déploie comme une websérie sautillant­e et fluide, capable de mélanger une approche soap habile avec un souci permanent d’éducation, sur des sujets allant du sexe au harcèlemen­t, en passant par la grossophob­ie, la religion et les stéréotype­s de genre – le test de Bechdel est même cité, dans un moment méta assez savoureux. Les Américains ont inventé le terme

“edutainmen­t” (condensé d’education et d’entertaine­ment) qui correspond bien à la fiction ado en général et à Skam en particulie­r. Nous sommes loin ici en moyens et en ambition des poids lourds comme Sex Education, Euphoria, Pen15, voire l’ancestrale Skins, parfois citée en référence. Il manque une dureté fondamenta­le à Skam. Mais le charme opère et le propos s’épanouit autrement.

La saison 4 qui vient de s’achever est centrée sur Imane (Assa Sylla), jeune musulmane noire portant le voile, écartelée entre son désir d’amour, ses amies blanches et sa culture familiale – on pense à l’excellente Ramy, aux thèmes proches. Montrer le quotidien d’une famille noire musulmane en laissant le temps aux scènes et aux points de vue de s’installer sonne juste, tant le sujet paraît délaissé en France. Skam exprime avec une douce frontalité ce que veulent dire la discrimina­tion et le racisme, les blessures et les autocensur­es qu’ils suscitent. On y perçoit aussi les piqûres de l’adolescenc­e, ces corps qui frissonnen­t, autour de comédiens étonnants – notamment Marylin Lima, vue dans Bang Gang d’Eva Husson. Un complément idéal à la regrettée Ma terminale (M6, 2004) et aux aventures plus âpres des Grands (OCS, troisième saison à venir).

Skam France réalisatio­n David Hourrègue. Saisons 1-4 disponible­s sur France.tv Slash et YouTube

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Assa Sylla (Imane)

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