Sylvie Tanette
Le livre de toujours : W ou le Souvenir d’enfance de Georges Perec. Probablement, le texte le plus intime de Perec. Deux récits s’alternent, en apparence dissemblables et qui pourtant se répondent : des bribes de souvenirs d’une enfance durant la guerre et la description glaçante d’une société imaginaire fondée sur la compétition. Leur enchevêtrement les révèle l’un à l’autre et fait de W un texte absolument inoubliable.
Les livres de l’année à offrir : Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Le roman le plus dingue de l’automne dernier vient de recevoir le Prix du livre Inter. Il met en scène le récit de formation d’une ado au sein d’une communauté libertarienne. Farah qui veut découvrir les plaisirs du sexe a la surprise de voir que son corps se virilise à la puberté. Comme à son habitude, l’auteure d’Une fille du feu conjugue érudition joyeuse et esprit subversif assumé, et signe un texte éminemment politique. Et aussi Antonia. Journal 1965-1966 de Gabriella Zalapì. Le premier roman de cette plasticienne est conçu comme une installation d’art contemporain, il se construit autour de photos de famille pour raconter une vie de femme et les errements d’une famille à travers l’Europe dans la première moitié du XXe siècle. Un texte intense et beau qui revient sur les tragédies de l’histoire dans une forme très novatrice.
Le livre qui se dévore : L’Explosion de la tortue d’Eric Chevillard. L’auteur de Mourir m’enrhume (Les Editions de Minuit) n’a rien perdu de son sens de l’absurde, mais son texte est plus émouvant qu’il n’y paraît. Un narrateur cherche à s’approprier les écrits et – de fait – la gloire d’un romancier oublié, et pleure sa petite tortue, dont la mort est due à sa négligence. Chevillard orchestre son texte en grand styliste, en déclinant les thématiques de la disparition et de la culpabilité de façon inattendue et sensible.
Le livre que je vais emporter : La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui. Ce premier roman d’une auteure marocaine installée à New York séduit d’abord par sa verve. La narratrice, jeune prostituée qui élève seule sa fille, décrit sa vie quotidienne dans un quartier populaire de Casablanca. Une prise de conscience féministe et un combat pour la survie.
W ou le Souvenir d’enfance de Georges Perec (L’Imaginaire Gallimard), 224 p., 8,50 €
Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam (P.O.L), 448 p., 19 €
Antonia. Journal 1965-1966 de Gabriella Zalapì
(Zoé), 112 p., 12,50 €
L’Explosion de la tortue d’Eric Chevillard (Les Editions de Minuit), 256 p., 18,50 €
La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui (Gallimard), 272 p., 21 €