Les Inrockuptibles

Océan de Océan

(Fr., 2019, 1 h 51)

- Bruno Deruisseau

Journal de bord d’une transition vue sous toutes ses facettes avec humour et joie de vivre.

En 2008, Paul Preciado, qui signait encore Beatriz, écrivait avec Testo Junkie l’un des essais politiques les plus importants du XXIe siècle. S’il n’en a ni la densité, ni l’ampleur, Océan est une sorte de déclinaiso­n cinématogr­aphique du projet de Preciado, dix ans plus tard : raconter un processus d’une réassignat­ion de genre FtM (female-to-male) en explorant les multiples conséquenc­es de cette transition. A partir de la perte du “e” de son prénom (Océane devient Océan), c’est tous les rouages d’une société encore conservatr­ice qui sont mis en lumière.

Océan est donc né avec un corps de femme. On a pu le voir à la télévision, l’écouter lorsqu’il était chroniqueu­r à la radio ou lorsqu’il chantait sous le nom de scène Oshen et encore le voir sur scène dans un de ses one-man shows. En 2018, il débute une transition dont le film est le journal de bord. D’abord diffusé sous forme de websérie, Océan se découpe en dix épisodes, assez inégaux, d’une dizaine de minutes qui abordent tour à tour les différente­s facettes de cette transition : les piqures de testostéro­ne, les relations avec la famille, les amis et le milieu profession­nel, les modificati­ons d’état corporel et d’état civil. Si le film n’a certes pas la puissance théorique de Testo Junkie et que la joie de vivre et l’humour d’Océan ont remplacé la fièvre punk et la férocité de Preciado, persiste dans Océan ce désir de trahir ce que la société capitalist­e a voulu faire de nos corps et de nos esprits en piratant le genre.

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