Les Inrockuptibles

Le Mans 66 de James Mangold

Un film à hauteur d’homme par un James Mangold en pilote automatiqu­e, mais sauvé par son indéniable savoir-faire et le duo Matt Damon/Christian Bale.

- Jacky Goldberg

“LE MANS 66” A LONGTEMPS ÉTÉ UNE DE CES ARLÉSIENNE­S QUI TRAÎNENT À HOLLYWOOD, se refilant de producteur­s en scénariste­s, de réalisateu­rs (Walter Salles et Joseph Kosinski furent envisagés), en acteurs (Tom Cruise et Brad Pitt pointèrent à un moment le bout de leur nez), jusqu’à ce que les étoiles finissent par s’aligner et un cast l’emporter : James Mangold derrière la caméra, Matt Damon et Christian Bale devant. Soit un acteur réputé pour son underactin­g, un autre pour son overacting, et l’archétype de l’honnête artisan hollywoodi­en pour les associer.

Associer : il ne s’agit au fond que de cela dans Le Mans 66, titre français fort différent mais pas moins pertinent que l’original

Ford v Ferrari. Car de l’affronteme­nt quasi mythologiq­ue entre ces deux légendes de l’automobile, on ne verra finalement pas grand-chose, le film reléguant l’écurie italienne à l’arrière-plan, pour se concentrer sur l’amitié entre deux employés du constructe­ur américain, Carroll Shelby et Ken Miles, culminant lors de la fameuse course de 1966.

Le premier, interprété avec maestria par Damon, est un ancien pilote reconverti en concepteur de voitures de course ; le second, servi par un Bale un peu plus sous contrôle que d’habitude, est aussi un ingénieur-pilote, mais que son caractère tempétueux relègue aux seconds postes. Différents mais complément­aires, ils se sont vus confier

la tâche, par un Henry Ford II soucieux de prestige autant que d’honneur, de gagner les 24 heures du Mans. Quoi qu’il en coûte.

Mangold opère ici à sa vitesse de croisière (celle de ses prestiges movies un brin académique­s comme Walk the Line, ou 3h10 pour Yuma), hélas en deçà de ses meilleurs films ( Logan, Knight and Day, Copland). Veillant à offrir au fan ce qu’il est venu chercher (des carrosseri­es chromées, des plans sur des jantes, des vrombissem­ents de moteur) sans aliéner le néophyte, il filme à hauteur d’homme, sans génie mais avec un indéniable savoir-faire, cette histoire d’outsiders prêts à tout sacrifier à leurs rêves.

C’est toutefois à un niveau méta que le film captive le plus, sans forcément d’ailleurs que ce soit conscient. Produit par la Fox, Le Mans 66 sort aujourd’hui, logiquemen­t, sous pavillon Disney – l’ogre ayant avalé entre temps le gros poucet. Ce dernier n’était certes pas un petit studio indépendan­t, mais il se démarquait, ces dernières années, par une culture favorable aux auteurs. Ainsi, une question se pose : derrière cet éloge de l’artisanat exécuté dans l’adversité industriel­le, ne serait-ce pas la destinée d’un certain cinéma hollywoodi­en, classique, sérieux, pour adultes, que James Mangold raconte ?

Le Mans 66 de James Mangold avec Matt Damon, Christian Bale, Caitriona Balfe (E.-U., 2019, 2 h 32)

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Matt Damon et Christian Bale

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