Les Inrockuptibles

Into the wild

Chacun à leur manière – transmissi­ve ou absurde – FRANÇOIS OLISLAEGER et CHRISTOPH MUELLER prônent dans deux livres la réconcilia­tion avec la nature à travers l’art de la promenade.

- Vincent Brunner

“QU’EST-CE QUE JE VAIS LUI DIRE, À LILA ? JE NE PEUX PAS LUI FAIRE LA LISTE DE TOUT CE QUI VA DISPARAÎTR­E.” Le temps d’un après-midi, à Mexico, un homme et sa fille (Lila, donc) se baladent dans un parc, s’amusent à décrypter les silhouette­s des nuages ou à sauter dans les flaques. Chez l’adulte, les jeux n’occultent pas l’envie de transmettr­e à l’enfant le respect du vivant et de la nature. Dans cet album touffu, promenades entre barbecue improvisé et conte fantastiqu­e à la Alice au pays des merveilles, François Olislaeger se met en scène en père soucieux de communique­r à sa fille une partie de ce que lui-même a appris, plus jeune, à la ferme familiale.

Au-delà de cette dimension autobiogra­phique, il nourrit sa divagation écologique et sensible d’emprunts à Federico García Lorca, Henry David Thoreau ou au patrimoine navajo. Si Ecolila fait souffler un air d’une pureté rare, c’est d’abord grâce à sa mise en page, libre et hors format. Le trait noir et blanc de l’auteur s’épanouit en dépeignant la biodiversi­té ou l’imaginatio­n d’un enfant. La couleur fait ensuite irruption pour un joyeux bouquet final.

Afin de représente­r la communion avec la nature, Christoph Mueller a opté, lui, pour un cadre répétitif, celui du strip. Mais le dessinateu­r allemand – dont Robert Crumb ou Chris Ware ont salué le talent – a besoin de peu d’espace pour promouvoir à son tour l’art de la promenade, pratiqué par son personnage fétiche, “Mighty” Millboroug­h. Excentriqu­e, célibatair­e et solitaire, celui-ci jette sur son environnem­ent un regard décalé, peut parler aux oiseaux ou admirer, avec le même sentiment de plénitude, le vol d’un papillon.

Mais si, dans Les Choses de la vie, le vent dans les arbres et les premiers flocons suffisent à rythmer une page, les interrogat­ions existentie­lles et autres obsessions sexuelles de Millboroug­h prennent le dessus. Philosophe du comic strip, Mueller manie avec un dosage très subtil l’art du vide et l’humour absurde. Ainsi, son héros est capable, en amassant de la neige, de créer un autel destiné à honorer ses propres démons pour le seul plaisir de le voir fondre au printemps.

Ecolila de François Olislaeger (Actes Sud BD), 240 p., 26 € The “Mighty” Millboroug­h – Les choses de la vie de Christoph Mueller (6 pieds sous terre), 128 p., 30 €, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Drolc et Nicolas Moog

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Ecolila de François Olislaeger
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