Njabulo Ndebele
Le Lamento de Winnie Mandela Actes Sud, traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Georges Lory, 224 p., 22 €
En s’appuyant sur les figures mythiques de Pénélope et de Winnie Mandela, et sur la vie de quatre femmes au moment de l’apartheid, l’auteur sud-africain confronte l’intime à l’histoire. Dans une Afrique du Sud qui panse ses plaies, Njabulo Ndebele a choisi de s’intéresser à une catégorie de la population qui, n’importe où sur la planète, n’a pas souvent voix au chapitre : les femmes seules sans l’avoir choisi. Publié en 2003, soit peu de temps après la fin des travaux de la Commission vérité et réconciliation, son livre propose de regarder la grande histoire depuis l’intime, le corps et les relations de couple. Il donne à entendre les voix de quatre femmes qui durant l’apartheid ont dû affronter les soucis quotidiens sans leur époux parti pour chercher du travail, ou en exil politique, ou marié ailleurs. Elles sont de conditions sociales différentes mais toutes racontent la même chose : la femme dont le mari
n’est pas là doit se protéger de tous les archaïsmes. Se confrontant à deux figures mythiques, Pénélope, qui attendait le retour d’Ulysse en repoussant ses prétendants, et Winnie Mandela, qui portait la parole de son époux tout au long de son emprisonnement, ces femmes vont analyser leur propre vie. Elles ont dû se défendre des hommes qui les considéraient comme des proies, défier les préjugés, se débrouiller pour élever leurs enfants, et supporter la solitude sans se plaindre. Au-delà de son contenu, ce livre est une surprenante construction littéraire, un mélange judicieux de fiction, de discours officiels et d’humour.