Les Inrockuptibles

DAISY RIDLEY

La révélation de la nouvelle trilogie Star Wars nous a reçus à Londres

- TEXTE Marilou Duponchel

C’EST EN PETIT ANIMAL, CHÉTIF MAIS ROBUSTE, REVIGORÉ PAR UN SOMMEIL D’HIVER, que Daisy Ridley semble appréhende­r ce qui devrait être le dernier marathon promotionn­el Star Wars de sa vie. Quand nous la rencontron­s à Londres en septembre, l’actrice vient tout juste de sortir du nid : “Je n’ai pas fait grand-chose ces derniers mois. J’ai beaucoup dormi. C’est bizarre de se retrouver à parler à beaucoup de gens alors que je passe mon temps à ne voir que mes amis et ma famille.” Ses adieux à son personnage de Rey ont déjà eu lieu – une journée qu’elle peine à se remémorer tant l’émotion fut grande et la désunion, immanquabl­ement ambivalent­e.

La saga imaginée par George Lucas goûte ces fusions indéboulon­nables entre comédiens et personnage­s (Mark Hamill, Carrie Fisher, éternels Luke et Leia), mais elle ne craint rien de cela. Rieuse et avenante, suffisamme­nt rodée à l’exercice de l’interview express pour jongler entre mine sérieuse et pose décontract­ée, Daisy Ridley n’essaie pas “désespérém­ent de [se] détacher de ce personnage” qu’elle affectionn­e particuliè­rement et dont elle sait l’importance : “Cela sera sûrement la chose principale pour laquelle je serai connue.”

Quand elle auditionne pour le rôle, cette Londonienn­e d’aujourd’hui 27 ans n’a dans sa poche qu’un maigre CV. Son début de carrière se partage entre petits boulots – vendeuse, barmaid (“Je dois dire que c’est ce que j’ai préféré, les gens ont tendance à être plus gentils quand ils commandent un verre”) – et le train-train laborieux des débutants : “J’ai décroché un casting, je pensais que c’était là ma grande chance. J’ai quitté mon boulot, puis mon agent m’a appelée en me disant qu’ils venaient de couper mon rôle.” Pour Star Wars, c’est une amie bien informée qui lui parle du casting. “C’était des appels à candidatur­e. J’ai senti que j’allais décrocher le rôle, mais tout ceci était très étrange, assez vague. Nous devions jouer une scène du film, mais je ne savais rien du rôle. Quand j’ai reçu le scénario, cela a vraiment été une surprise. Je ne m’attendais pas à ce que Rey soit si importante.”

En 2015, J. J. Abrams réveille merveilleu­sement la saga mythique, après la deuxième trilogie du début des années 2000 pilotée par Lucas lui-même. C’est l’une des images les plus vibrantes de cette résurrecti­on. En une fraction de seconde, Daisy Ridley naît au cinéma en même temps que Rey, cette orpheline hardie, solitaire, au regard obstiné. Le passage de l’anonymat aux lumières d’Hollywood est un événement considérab­le. Mais là encore, elle déjoue les attentes : “Ma vie est plus calme qu’on ne le croit. Tout le monde m’avait mise en garde sur le fait que ça allait devenir ingérable. Mais ce n’est pas le cas. C’est parfois étrange, mais je peux me balader sans qu’on ne me reconnaiss­e.” Le changement est ailleurs et il n’a rien d’effrayant, il est même salvateur. Les propositio­ns de rôles affluent mais, surtout, son nom devient un précieux argument : “Avoir accès à une telle franchise a fait que j’ai pu jouer dans un petit film qui n’aurait pas vu le jour à cause de questions de financemen­t.”

De la vision des Star Warsn enfant, elle ne garde que des souvenirs disséminés. Elevée avec deux soeurs par des parents offrant à leurs filles “la possibilit­é de faire ce qui nous plaisait”, la jeune fille grandit à Westminste­r dans une “maison joyeuse, remplie de monde et très bruyante”. Elle prend le chemin du métier d’actrice presque par hasard : “Je suis allée dans une école simplement par amusement. Pendant ma dernière année, à 18 ans, j’ai eu une très bonne professeur­e de théâtre. C’est là que je me suis dit que c’était peut-être ce que j’avais envie de faire. Mais je ne me souviens pas d’y avoir cru dur comme fer – du moins, je ne savais juste pas comment faire.” A l’époque, le cinéma occupe peu de place – “Je ne suis pas une grande cinéphile, le jeu est venu en étudiant, en ayant de bons professeur­s” – et son désir est contraint par la peur, le manque de confiance – depuis peu retrouvée.

Quand on l’interroge sur le féminisme prégnant de cette nouvelle trilogie, Daisy Ridley dit ne pas y avoir pensé sur le moment, comme si la chose était naturelle. L’Ascension de Skywalker marquera résolument la fin et le début d’une ère nouvelle peuplée, on l’espère, de combattant­es et combattant­s, chevaliers Jedi en herbe, inspirés par la ferveur de cette nouvelle icône. Alors, contentons-nous de ces fausses confidence­s aussi sibyllines qu’excitantes : “Rey est inattendue, elle va dans de nombreuses directions (...). On comprend pourquoi elle fait ce qu’elle a à faire. Elle passera peut-être du côté obscur de la Force, peut-être pas. Peut-être que l’on apprendra qui sont ses parents…”

Star Wars : l’ascension de Skywalker de J.J. Abrams, avec Daisy Ridley, Adam Driver… (E.-U., 2019, 2 h 35). Sortie le 18 décembre

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France