Les Inrockuptibles

Un portrait d’anthologie

Une traversée captivante de la discograph­ie de YANN TIERSEN où se mêlent nouvelles versions et morceaux originaux, entre minimalism­e, néo-classique, rock indépendan­t et ambient.

- Jérôme Provençal

DIX MOIS APRÈS “ALL”, YANN TIERSEN REVIENT DÉJÀ SOUS LES FEUX DE L’ACTUALITÉ avec un nouveau disque. Celui-ci s’intitule Portrait et s’avère très plantureux puisqu’il contient pas moins de vingt-cinq morceaux. Présentés ici dans de nouvelles versions, inédites sur disque, vingt-deux d’entre eux proviennen­t de ses albums antérieurs, de La Valse des monstres (1995) à All (2019) en passant par Rue des Cascades (1996), Le Phare (1998) ou encore EUSA (2016), disque de piano solo enregistré aux studios Abbey Road, sans oublier bien sûr Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001), la bande originale du film de Jean-Pierre Jeunet qui l’a rendu célèbre dans le monde entier. “Je ne réécoute jamais mes anciens enregistre­ments, assure Yann Tiersen. Il faut vraiment être mégalo pour faire ça (rires). Pour moi, un morceau enregistré est comme mort. Il redevient vivant, neuf, si je le joue sur scène, car en concert je n’aime pas coller aux versions des disques. C’était vraiment excitant de reprendre d’anciens titres et de les rejouer autrement : j’avais presque le sentiment de faire un nouvel album.”

Reflétant un parcours créatif de vingt-cinq ans, ce Portrait grand format – qui comprend en outre trois originaux – propose un aperçu étendu de la musique du Breton sans la moindre complaisan­ce nostalgiqu­e, tout au contraire. “J’ai eu parfois tendance à charger ma musique par le passé, à abuser des overdubs. Par conséquent, j’ai eu envie de retrouver une forme de simplicité et de réenregist­rer certains morceaux de manière beaucoup plus épurée.” L’idée du projet a jailli au cours des répétition­s pour la tournée de l’album All et l’enregistre­ment s’est effectué l’été dernier à l’Eskal. Entièremen­t réaménagé et situé sur l’île d’Ouessant, où Yann Tiersen vit depuis plusieurs années, ce studio entièremen­t analogique lui offre les conditions idéales pour concevoir sa musique. “C’est vraiment important pour moi de pouvoir prendre du temps pour enregistre­r en studio, explique Yann Tiersen. Quand on travaille sur un ordinateur, on peut toujours tout changer. En studio, il faut prendre des décisions constammen­t. Ça génère une tension très bénéfique pour la musique, à toutes les étapes du processus créatif, des prises au mixage.”

Le musicien finistérie­n n’a pas effectué en solitaire cette traversée de sa discograph­ie. L’ont accompagné trois principaux équipiers, qui le suivent régulièrem­ent en tournée : Jens Thomsen du groupe Orka, et Emilie Tiersen, sa partenaire de jeu et de vie. Sont également montés à bord, entre autres, Gruff Rhys – dont la voix ne fait pas oublier celle, si aérienne, de Dominique A sur la version originale de Monochrome –, Blonde Redhead et Stephen O’Malley. Ce dernier, guitariste expériment­al et bruitiste, fondateur du groupe Sunn O))), contribue notamment à Introducto­ry Movement, splendide instrument­al tout en suspension nerveuse, placé en ouverture. Closer, la chanson interprété­e avec Kazu Makino de Blonde Redhead, lancinante ballade onirique, attrape l’oreille en particulie­r. Naviguant entre minimalism­e, néo-classique, rock indépendan­t et ambient, l’ensemble se révèle hautement captivant et amène à (re)dédouvrir en beauté l’univers musical de Yann Tiersen, ici et maintenant.

 ??  ??
 ??  ?? Portrait (Mute/PIAS)
Portrait (Mute/PIAS)

Newspapers in French

Newspapers from France