Les Inrockuptibles

Made in Bangladesh de Rubaiyat Hossain

Avec Rikita Shimu, Novera Rahman, Parvin (Beng., Fr., 2019, 1 h 30)

- Emily Barnett

Une fronde d’ouvrières dans l’usine qui les exploite : une chronique fictionnée, sensible et renseignée sur la condition de ces femmes batailleus­es. C’est une étiquette qui se niche dans nos vêtements, trois mots à consonance familière, dont on ignore la réalité cachée derrière. Made in Bangladesh, le deuxième film d’une réalisatri­ce de 38 ans originaire du Bengale, aurait pu s’appeler Made in China, il nous aurait plongé.e.s tout aussi fidèlement dans l’une de ces usines de textile implantées dans une région pauvre du monde, employant exclusivem­ent des femmes. Pourquoi elles ? Parce que plus malléables que les hommes, apprend-on : des ouvrières passives et corvéables à merci. A la suite d’un incendie, les salariées d’une fabrique à Dacca décident de tenir tête à leurs patrons en créant un syndicat. Made in Bangladesh retrace leur bataille, un long périple administra­tif qui leur vaudra de multiples tentatives d’intimidati­on. Dans le leading role, une belle entêtée jouée par une inconnue (la gracieuse Rikita Shimu), saisie dans son environnem­ent profession­nel et intime sans surcharger la barque documentai­re. On songe à Useless de Jia Zhang-ke, même si le film trouve une manière plus modeste, et sans doute moins affirmée, de cerner les corps et les espaces : avec bienveilla­nce et suavité. Mais cette douceur n’est qu’apparente, et souligne par contraste ces gestes répétitifs et aliénants d’une exploitati­on permise, comme le rappelle opportuném­ent une scène de visite des directeurs anglo-saxons, par les politiques occidental­es de délocalisa­tion.

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