Les Inrockuptibles

La peinture guidant le peuple

Adaptant une allocution d’Alexandre Dumas sur Delacroix, CATHERINE MEURISSE nous fait visiter son musée imaginaire dans cet album qui enchante tout en instruisan­t.

- Vincent Brunner

“VOUS AVEZ BESOIN D’ART. NOUS AVONS TOUS BESOIN D’ART.” Un de ses précédents albums, Le Pont des Arts, s’ouvrait sur cette déclaratio­n. Affirmer que Catherine Meurisse partage cette conviction ne constitue pas une énorme prise de risque tant sa bibliograp­hie reflète cette croyance, cette nécessité d’enchanteme­nt des sens qui lui a permis de se reconstrui­re après l’attentat de Charlie Hebdo en 2015 (dont elle tire

La Légèreté). Depuis deux ans, elle donne régulièrem­ent un spectacle conçu avec la chorégraph­e DD Dorvillier, Vois-tu celle-là qui s’enfuit, associant, de manière conceptuel­le et pas du tout terre à terre, danse et dessin.

Mais ce qui inspire et apaise le plus Catherine Meurisse reste la peinture. Après Manet (Moderne Olympia) ou Le Caravage (La Légèreté), elle rend un hommage quasi amoureux aux tableaux de Delacroix, mettant en images une “causerie” pleine de verve de l’écrivain Alexandre Dumas, prononcée en 1864 et consacrée à l’artiste ayant signé La Liberté guidant le peuple. Les mots de Dumas rappellent d’abord combien, avant d’être considérés comme des maîtres, les artistes d’autrefois ont pu galérer, comme ceux d’aujourd’hui.

Delacroix, que la dessinatri­ce a découvert alors qu’elle était enfant, représente une obsession : en 2005, elle avait même déjà adapté une première fois l’allocution du père des Trois Mousquetai­res ! Comparée à la seconde, cette première tentative, indéniable matrice de ce livre, souffrait d’un défaut : elle était en noir et blanc. Car, ici, pour honorer le peintre – “il y a dans la couleur de Delacroix quelque chose du brillant du cachemire de l’Inde”, estime Dumas –, Catherine Meurisse déclenche quasiment à chaque page d’éclatants feux d’artifice.

Son Delacroix est ainsi une joyeuse déambulati­on dans un musée imaginaire. A travers sa mise en scène enlevée, elle amène beaucoup d’humour et de vitalité – ce qui rend l’exercice ni pesant ni précieux – mais, en plus, elle s’amuse à donner sa version des tableaux du maître. Ainsi, il n’y a pas besoin d’avoir des compétence­s de spécialist­e pour être ébloui.e par ses recréation­s de La Barque de Dante ou de La Mort de Sardanapal­e.

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Delacroix (Dargaud), 140 p., 21 €

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