Les Inrockuptibles

Vagues à l’âme

- Patrick Sourd

S’emparant d’Arne Lygre, Braunschwe­ig exalte la limpidité de son écriture. Un concentré d’émotions.

En inondant le plateau de Nous pour un moment, du Norvégien Arne Lygre, Stéphane Braunschwe­ig use de l’élément liquide pour interroger le socle commun des petites aventures et grands drames de nos vies, en rappel d’une origine du monde baignant dans l’amniotique. Sachant qu’il ne faut jamais se fier à l’eau qui dort, on s’amuse des interféren­ces entre les cercles d’onde provoqués par des entrées de comédiens perçues comme autant de nouvelles pierres jetées dans la mare. Le caisson sensoriel condense une géométrie d’espaces infinis, pour s’accorder au désir d’un auteur qui saisit notre humanité dans un mouvement quasi cinétique. D’abord en plan serré, sur l’amitié entre une femme et l’ex de son mari, avant un zoom arrière fulgurant qui élargit le champ de l’intime et nous entraîne à la rencontre de destinées de plus en plus éloignées. Réunion de particules élémentair­es, la pièce classifie son monde par des noms génériques : une personne, un.e ami.e, une connaissan­ce, un.e inconnu.e, un.e ennemi.e. Ultime mise à distance, Stéphane Braunschwe­ig abolit la frontière entre les genres. Ici, une femme peut jouer un homme et le metteur en scène transforme la chronique en précieux paradis d’une mémoire partagée, témoignant avec élégance de l’éphémère de cette place qui est la nôtre dans l’univers.

Nous pour un moment d’Arne Lygre, mise en scène et scénograph­ie Stéphane Braunschwe­ig, avec Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac... Jusqu’au 14 décembre, Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, Paris

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