Les Inrockuptibles

The Growlers

Natural Affair Beach Goth Records/Bigwax

- Valentin Gény

Les Californie­ns continuent à brasser les genres avec une nonchalanc­e inaltérabl­e.

LES WEIRDOS D’ORANGE COUNTY ONT TOUJOURS ÉTÉ DIFFICILES À CERNER. Et le sourire narquois qu’affiche régulièrem­ent le chanteur Brooks Nielsen n’en finit pas de semer la confusion, comme s’il suggérait de rester sur ses gardes et de se méfier de ces je-m’en-foutistes de la côte Ouest.

En treize ans d’activité, les Growlers n’ont cessé de tromper leur monde. Après avoir baigné à leurs débuts dans le garage californie­n et aligné les compositio­ns lo-fi teintées de surf-rock à consonance gipsy sur leurs premiers disques, la joyeuse bande s’était mise à lisser ses production­s ( Chinese Fountain en 2014), jusqu’à tomber dans le disco-funk en signant sur Cult Records, le label de Julian Casablanca­s, laissant alors ce dernier aux manettes de City Club (2016). Trois ans après ce virage en demi-teinte, perçu comme une trahison par les aficionado­s de la première heure, les Californie­ns continuent de brouiller les pistes sur Natural Affair.

Si le fantôme du chanteur des Strokes et son goût prononcé pour les textures synthétiqu­es des eighties viennent hanter une poignée de nouveaux morceaux (Natural Affair, Pulp of Youth), les réminiscen­ces discoïdes et funkysante­s de City Club se conjuguent désormais à la soul psychédéli­que, au dub et à l’exotica

( Social Man, Shadow Woman, Stupid Things). Au détour des douze titres, l’écrin sonore du groupe se trouve une fois de plus bouleversé. Il revêt une production des plus soignées, ne laissant aucune place aux imperfecti­ons.

Dissimulés derrière le qualificat­if “beach goth”, genre bâtard autodéfini par leurs géniteurs et mouvant au gré de leurs sorties, les Growlers, aujourd’hui installés à la tête de leur propre structure, évoluent selon leurs règles, loin de se soucier de tout impératif et des attentes de certains rigoristes. Le son se métamorpho­se. Pourtant, la formule initiale du groupe reste intacte. La bande enchaîne à nouveau les refrains accrocheur­s avec sa nonchalanc­e légendaire. Le guitariste Matt Taylor se fait toujours maître des accords implacable­s comme des arpèges cristallin­s (Die and Live Forever, Tune Out) et le charismati­que Brooks Nielsen vient encore magnifier de sa voix éraillée les ballades à la mélancolie prégnante (la très belle Coinstar). Natural Affair est alors une esbroufe de plus dans la discograph­ie perverse des Growlers, où il faut savoir accepter de se laisser berner pour en apprécier le contenu.

Concerts Le 16 février, Paris (Trianon), le 19 février, Lille (Aéronef)

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