Les Inrockuptibles

Le Miracle du saint inconnu

A sa sortie de prison, une petite frappe découvre que le bout de désert dans lequel il a enterré son butin est devenu un lieu de culte férocement gardé… Un premier film réjouissan­t, qui brosse une galerie de portraits assez désopilant­e.

- d’Alaa Eddine Aljem Jean-Baptiste Morain

LE FIN FOND DU DÉSERT MAROCAIN : TERRE ÉPUISÉE ET PIERRES. Un voleur enterre son butin et construit par-dessus, avec quelques pierres, une fausse tombe pour pouvoir le retrouver facilement. La police l’arrête. Dix ans plus tard, à sa sortie de prison, il revient chercher son magot. Or la tombe est devenue un lieu de culte inaccessib­le, un mausolée cadenassé gardé jour et nuit. Le voleur s’installe dans l’hôtel du village en se faisant passer pour un scientifiq­ue (tout le monde, vraiment, se demande bien quel intérêt peut avoir leur région qui n’est que poussière et désolation...) et tente de trouver une solution.

Nous découvrons petit à petit une série de personnage­s et de petits contes qui font parfois passer l’action principale au second plan : le patron de l’hôtel, homme très religieux, un jeune médecin fringant et son assistant bigleux qui s’ennuient, boivent et fument du kif ensemble, l’irascible gardien de nuit du mausolée et son chien chéri (qui va vivre bien des malheurs), un paysan qui se désole qu’il ne pleuve jamais malgré ses prières, etc.

Le Miracle du saint inconnu est surtout l’occasion de décrire avec humour un petit peuple rigolard et farceur (les dames qui vont chez le médecin pour s’occuper, les

“barbus” qui ne font rien de leurs journées, le coiffeur qui est aussi dentiste, une fausse invalide qui fait la manche devant le mausolée et rentre le soir en poussant son fauteuil) et quelques bras cassés assez désopilant­s, comme l’ancien compagnon de cellule du voleur, surnommé ironiqueme­nt “Le Cerveau” tellement il est bête.

Le film puise à la fois son humour dans le pince-sans-rire et l’autodérisi­on. Quand on demande au voleur ce qu’il est venu faire dans la région, il répond “la visiter”. On l’interroge alors : “Tu n’avais jamais vu de cailloux et de sable de ta vie ?”

A Cannes, où ce film surprenant et réjouissan­t était présenté dans le cadre de la Semaine de la critique, certains voulaient inscrire Alaa Eddine Aljem, son réalisateu­r, dans la lignée de Kaurismäki et Suleiman, sans doute parce qu’il pratique un cinéma très cadré et comique. Il n’y a pas encore dans son geste le désespoir profond qui fait le génie de ces deux maîtres du burlesque contempora­in. Mais c’est effectivem­ent un très joli premier film.

Le Miracle du saint inconnu d’Alaa Eddine Aljem, avec Younes Bouab, Salah Bensalah, Bouchaib Essamak (Mar., Fr., Qat., 2019,

1 h 40), en salle le 1er janvier

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