Bad romance
La seconde saison de You offre à son anti-love story un prolongement moins schématique et plus équilibré.
LA PREMIÈRE SAISON DE “YOU” NOUS AVAIT SAISIS D’ÉMOTIONS AMBIVALENTES. En scrutant l’attraction éprouvée par Joe Goldberg pour Guinevere Beck au fil d’une relation de plus en plus toxique, la série déclinait les étapes de la love story archétypale pour en révéler l’envers potentiellement abusif. Tissée entre les mailles épaisses d’un storytelling schématique, la satire de nos existences trop connectées se doublait d’une mise en exergue des dangers des relations à sens unique.
Malgré son ambition, You souffrait d’un positionnement douteux et cultivait inconsciemment les épines qu’elle pensait arracher. En inventant des excuses à ses méfaits, la série entretenait pour Joe une fascination ambiguë que seuls des actes criminels invraisemblables parvenaient à dissiper, alors que son comportement intrusif aurait dû suffire à le rendre inquiétant. Le malaise était renforcé par une tendance à la culpabilisation de sa victime, instituant l’aveuglement ou les “écarts” de cette dernière comme causes supplémentaires du drame qui la frappait.
Ayant réussi à tromper la vigilance de Candace, son ex vengeresse, Joe s’installe à Los Angeles sous une nouvelle identité. Il y rencontre Love, une cheffe cuisinière attachante et fantasque. L’alchimie est immédiate et une histoire d’amour s’esquisse. Mais les fantômes du passé poursuivent le psychopathe, qui n’a pas entièrement abandonné ses mauvaises habitudes.
Tout en permettant à la série de partir sur de nouvelles bases, le déplacement de l’intrigue de New York vers Los Angeles lui offre un terrain de jeu fécond. N’est-il pas ironique d’aller se cacher dans une ville où tout le monde rêve d’être connu et où la double vie (serveuse et scénariste, chauffeur et acteur) constitue la norme ? Si la mise en scène reste peu inspirée et si la narration s’encombre de surlignages épais, ce nouveau chapitre se révèle plus réjouissant.
En établissant Joe comme un antihéros “à la Dexter”, la série se défait des regards extérieurs maladroits qu’elle posait sur lui. Matérialisé par une voix off omniprésente, son flux de pensées est soumis au seul jugement du spectateur, qui peut en déceler sans interférences les mensonges et l’autojustification permanente. Se placer plus près du tueur revient, paradoxalement, à trouver la distance juste.
Quant aux rôles secondaires, ils sont dotés d’une épaisseur dont étaient privés leurs prédécesseurs. De la logeuse de Joe en quête de justice suite à une agression sexuelle au jumeau possessif de sa nouvelle proie, chaque nouveau venu existe en dehors de son rapport à lui. Mais c’est le personnage de Love (Victoria Pedretti, que l’on retrouve avec émotion après son interprétation de Nell dans The Haunting of Hill House), dont l’attirance pour Joe n’est jamais soumise au jugement mais abordée avec complexité, qui nous touche le plus. C’est par sa force et son intelligence que la jeune femme rééquilibrera la série pour ne plus laisser aux hommes toxiques qui l’empoisonnent le soin de mener la danse.
You saison 2 sur Netflix