Field Music

Making a New World Memphis Industries/PIAS

Réhabilitation du concept-album avec les Anglais, qui évoquent ici la Première Guerre mondiale et le monde nouveau qui s’épanouira sur les cicatrices des tranchées.

À DÉFAUT D’ÊTRE À L’HEURE, AUTANT SOIGNER SON ENTRÉE. Plus d’un an après les commémorations internationales du centenaire de la première boucherie mécanisée mondiale, Field Music débarque fleur au fusil avec un septième album consacré aux séquelles de la Grande Guerre. Plutôt que sur les horreurs des combats, le groupe préfère se pencher sur la société nouvelle qui naîtra à leur suite.

Making a New World est né d’un projet pour l’Imperial War Museum, joué live sur les sites de Salford et Londres en janvier 2019. Ceux que le terme d’albumconcept (c’est leur premier) fait fuir peuvent revenir sans hésitation ; les thèmes abordés sont pluriels, pointus, mais Making a New World reste dans cette veine musicale plus pop et abordable, qui caractérise leur style depuis Commontime (2016).

A travers dix-neuf chansons foisonnantes d’idées, les esthètes de Sunderland s’improvisent faiseurs de monde. Si certains morceaux adoptent la scansion martiale des mitrailleuses ou un coeur à l’agonie dans la boue noire des Flandres (A Shot to the Arm), d’autres s’élèvent par-dessus les tranchées, solaires et en perpétuelle évolution ( Best Kept Garden, pour ne citer que lui).

Comme toujours chez Field Music, les chansons aiment à suivre les détours imposés par leur incroyable inventivité mélodique. C’est d’ailleurs dans cet exercice d’équilibre instable qu’elles sont le plus impressionnantes. Alors, oui, on pense toujours aux figures tutélaires qui planent sur ce disque, comme sur les précédents : les vétérans de Talking Heads (Only in a Man’s World), XTC (DoYou Read Me ?), Todd Rundgren ou Robert Wyatt… Mention spéciale à Money Is a Memory, qui ressuscite à la fois Prince et Bowie le temps d’un morceau, ou à A Common Language, merveille de pop synthétique en deux volets.

Les références ne manquent pas, mais quand elles sont aussi bien maîtrisées, il serait dommage de ne pas les citer.

Sur les cendres fumantes des champs de bataille, Field Music lance une dernière charge musicale pour sauver le monde grâce à la beauté. Une réussite totale.