Les Inrockuptibles

Holy Fuck

Deleter Awal/Bigwax

- Patrick Thévenin

Un disque de danse primale démontre que le quatuor de Toronto n’a rien perdu de sa rage.

EN 2005, HOLY FUCK, QUATUOR CANADIEN NÉ DANS LES BAS-FONDS DE TORONTO, affirmait vouloir faire de la musique électroniq­ue, mais sans recourir à toutes les facilités technologi­ques dont sont capables les ordinateur­s, utilisant juste les fonctionna­lités de différents instrument­s, voire objets, aussi disparates soient-ils, dont un fameux projecteur de films 8 mm. Avec son premier album à son nom, où flottait plus que de raison l’esprit de Can ou Neu! mais en version plus speedée, rock et noisy, Holy Fuck avait emballé son monde, surtout à une époque où le rock cherchait à se sortir des sentiers battus et mettre un pied sur le dance-floor, quitte à passer par l’entrée de secours. Quatre albums plus tard, avec des tournées en veux-tu en voilà, des prix affichés sur la cheminée, des synchros pour des séries cultes comme Mr Robot ou Breaking Bad, Holy Fuck est toujours fidèle à son commandeme­nt de départ. Même si Congrats (2016), le précédent album, commençait déjà à se demander dans quelle direction continuer pour fusionner ce rock agité avec l’énergie de la dance.

Deleter voit Holy Fuck rester fidèle à sa rage primale, tout en adoucissan­t le propos, conjuguant mélodies et

psychédéli­sme, même si la meilleure idée est d’avoir invité des chanteurs extérieurs. Comme Alexis Taylor de Hot Chip, dont la voix transforme Luxe en une sorte de I Feel Love bétonné pour les warehouse, Nick Allbrook de Pond qui rejoue le Summer of Love de Primal Scream au XXIe siècle sur Free Gloss ou Angus Andrew de Liars, qui, avec lemorceau Deleter, doit rendre fou un label comme DFA.

Disque de danse primale, bourré de guitares sous tension, de rythmes lourds et massifs et de paroles hantées, Deleter est un disque qui assume son côté shamanique, comme si toutes ces années le groupe s’était retenu de danser. Comme le confirme Brian Borcherdt, son chanteur : “Auparavant, nous tentions de nous débarrasse­r de l’étiquette que l’on nous avait collée, alors qu’aujourd’hui nous nous sentons plus dans l’univers dance que jamais, et c’est ce genre de dance que nous aimons.”

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