Les Inrockuptibles

L’Adieu de Lulu Wang

Avec Awkwafina, Tzi Ma, X Mayo (E.-U., Ch., 2019, 1 h 41)

- Marilou Duponchel

Une famille décide de cacher à son aïeule sa maladie incurable. Une comédie sophistiqu­ée qui manque d’émotion.

L’Adieu arrive en salle trois mois après la diffusion sur Arte de Mytho. La géniale série signée Anne Berest et Fabrice Gobert et le deuxième long métrage de Lulu Wang ont peu en commun mais partagent, peu ou prou, le même sujet. Dans la première, Elvira s’invente un cancer. Instantané­ment, la malade imaginaire voit ses proches changer, la cajoler comme jamais. Dans le second, le miroir est inversé, le mensonge de l’autre côté. C’est toute une famille – celle de Billi, chinoise et américaine d’adoption – qui décide de taire à la grand-mère sa maladie incurable. Le clan prétexte alors le mariage (arrangé) d’un jeune cousin pour accomplir ce dernier au revoir. C’est sur la pente de la comédie chic et sophistiqu­ée (tendance Woody Allen ou Ira Sachs) que s’avance L’Adieu. Chevillé à son argument de départ – cette tromperie macabre –, le film déroule des saynètes de groupe, menacées par les bévues prêtes à s’échapper des bouches imprudente­s, et tente d’extirper du malaise ambiant une drôlerie cachée. A ce dilemme philosophi­que (un doux mensonge vaut-il mieux qu’une insupporta­ble vérité ?), la cinéaste adjoint un tableau chargé sur le choc des cultures entre deux pays qui donne lieu à un déballage de rancoeurs mal digérées. Mais le fond du problème est ailleurs. A l’inverse de Mytho, qui laissait infiltrer son mensonge, tel un sérum aux effets changeants, dans les interstice­s des relations, L’Adieu reste à la surface de son impossible vérité, vaste idée contrôlée par une mise en scène tirée à quatre épingles qui aplanit tout sur son passage et laisse l’émotion sur le bas-côté.

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