Les Inrockuptibles

U.S. Girls

Heavy Light 4AD/Wagram

- Théo Dubreuil

Deux ans après le succès du parfait In a Poem Unlimited, Meghan Remy revient avec un sublime album, à la fois polyphoniq­ue et percussif.

QUELQUE CHOSE CLOCHE SUR “HEAVY LIGHT”. Des treize titres qui composent l’album, trois sont des relectures de morceaux issus du propre catalogue de U.S. Girls. Pourtant, derrière ce choix étonnant coexistent deux idées. La première est purement pragmatiqu­e : “Beaucoup de gens m’ont découverte avec

In a Poem Unlimited, explique Meghan Remy. Avec ces reprises, peut-être qu’ils écouteront mes anciens trucs bizarres (rires).” La seconde, plus viscérale : “J’ai beaucoup réfléchi à l’idée d’un recul introspect­if et ce à quoi il correspond en 2020. Je voulais voir si ces morceaux résonnaien­t encore en moi, s’ils pouvaient être pertinents dans ce monde qui a tellement changé en dix ans. Mon but, c’est d’avoir des chansons qui ne se jetteraien­t pas comme du plastique.”

De cette rétrospect­ive intérieure, Meg Remy a ramené Heavy Light, une collection de chansons pop et raffinées, parmi les plus intimes de sa discograph­ie : “Pendant longtemps, je me cachais derrière des personnage­s. Mais je me devais d’écrire sur ma propre expérience.” Curieuseme­nt, cette démarche d’observatio­n de soi se double, dans l’album, d’une approche polyphoniq­ue.

Accompagné de vingt musiciens et choristes, le répertoire d’U.S. Girls s’épanouit dans un effort collectif et

trouve, dans les interludes qui parsèment le disque, son parfait négatif : “Je me suis rendu compte que j’étais capable d’écouter et de comprendre quatre personnes à la fois, indique Meg, sur l’idée qui l’a poussée à enregistre­r et superposer des anecdotes intimes de ses choristes. Je trouvais intéressan­t d’avoir un endroit accessible à tous où il est acceptable de parler les uns par-dessus les autres tant qu’on s’écoute.”

De ce fait, la charge politique d’In a Poem Unlimited est ici plus diffuse, plus sensible : “J’ai réalisé que tu ne pouvais pas constammen­t prêcher auprès des gens et je n’ai pas la prétention de pouvoir réparer quoi que ce soit. J’essaie donc de me faire petite dans mes chansons, mais j’aime aussi l’idée que ma musique puisse passer dans une playlist Starbucks, de planter des petites graines de messages subversifs dans l’esprit des gens.” Une délicate bravade contre l’establishm­ent de l’industrie musicale qui prend tout son sens sur ce Heavy Light, grand disque sans concession­s qui aspire plus à la liberté qu’au pouvoir promis par les sirènes de la pop.

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