Le programme en ligne plus qu’alléchant de la Schaubühne de Berlin
Depuis le 12 mars, LA SCHAUBÜHNE de Berlin concocte sur les réseaux sociaux un programme théâtral quotidien entre captations et prises de parole d’artistes et de penseurs.
LORSQUE THOMAS OSTERMEIER A PRIS LA DÉCISION DE FERMER LES PORTES de la Schaubühne le 12 mars dernier, le mythique théâtre berlinois qu’il dirige depuis 1999 s’apprêtait à lancer son festival international des nouvelles dramaturgies, Find, où étaient entre autres programmés des spectacles de Caroline Guiela Nguyen, Kirill Serebrennikov, Angélica Liddell, Toshiki Okada et Milo Rau. Cela faisait aussi trois semaines que le metteur en scène répétait sa prochaine création, La Vie de Vernon Subutex de Virginie Despentes, dont la première était prévue le 7 mai.
Baisser les bras n’étant pas le genre de la maison, on a vite découvert sur Facebook et Instagram que la Schaubühne diffusait quotidiennement des captations de spectacles maison et historiques créés dans les années 1970 et 1980. Les Trois Soeurs de Tchekhov dans la mise en scène de Peter Stein ou Le Temps et la Chambre de Botho Strauss, mis en scène par Luc Bondy en 1990. Et d’autres plus récentes :
La Pitié dangereuse de Stefan Zweig, mis en scène par Simon McBurney en 2017, Hamlet et Richard III de Shakespeare ou Bella Figura, de Yasmina Reza, mis en scène par Thomas Ostermeier. En début de soirée, des lectures de texte sont postées par des acteurs de la troupe. Le 14 avril, on eut une belle surprise en découvrant l’enregistrement vidéo de l’actrice française Sandra Bourdonnec, installée à Berlin depuis cinq ans, lisant un extrait des Jolies Choses de Virginie Despentes. Ravissement total à l’écoute de cette voix qui prête son souffle au portrait de Pauline, cette “femme d’aujourd’hui, garce et martyre, mutante et héroïne”, selon les mots de son autrice.
“La Schaubühne a connu une grande époque du théâtre européen avec Peter Stein, Klaus Michael Grüber, Luc Bondy, entre autres, nous raconte Thomas Ostermeier. C’était aussi l’époque où Bob Wilson a créé Death, Destruction and Detroit (12 février 1979 – ndlr). Malheureusement, on n’a pas d’achive vidéo du spectacle, mais la plupart de ceux qu’on diffuse sur le site sont des captations faites pour la télévision ou pour le cinéma. A l’époque, le théâtre filmé était plus à la mode qu’aujourd’hui. On dispose de grandes mises en scène comme La Mère de Bertolt Brecht de Peter Stein, qui a fait l’ouverture de ce nouveau théâtre en 1970, puis Peer Gynt de Henrik Ibsen, L’Orestie d’Eschyle.”
Depuis le 18 avril, la Schaubühne propose une nouvelle grille de programmes liée à la crise du coronavirus : “On travaille avec des auteur·trices,
“On travaille avec des auteur·trices, des penseurs, philosophes et intellectuel·les internationaux·ales”
THOMAS OSTERMEIER
des penseurs, philosophes et intellectuel·les internationaux·ales qui nous font des contributions sur la crise du coronavirus.
Il y aura des textes originaux, mais aussi des textes déjà publiés en France qui seront présentés pour la première fois en Allemagne, comme la lettre d’Annie Ernaux adressée au président Macron qui va ouvrir ce programme. Il y aura aussi Wajdi Mouawad qui va lire un extrait de son Journal de confinement, Carolin Emcke, une grande philosophe allemande, Anna Gien, Didier
Eribon, Geoffroy de Lagasnerie ou Edouard Louis.” Le communiqué de presse qui présente la première grille de programme annonce ainsi des contributions d’Alice Birch, Mikhail Durnenkov, Simon McBurney, Duncan Macmillan, Marius von Mayenburg, Rafael Spregelburd, Bush Moukarzel, Milo Rau, Falk Richter, Kathrin Röggla et Patrick Wengenroth et Toshiki Okada.
A défaut de pouvoir répéter, tourner, jouer, les théâtres réinventent le quatrième mur, ce mur imaginaire séparant le plateau de la salle des spectateurs, tout en le traversant, délibérément, pour s’afficher sur les réseaux sociaux et garder le contact avec leur public. Si l’assemblée théâtrale change de forme, son essence reste intacte.
La Schaubühne de Berlin sur schaubuehne.de et sur Instagram @schaubuehne_berlin