Marlène Saldana, comédienne et danseuse
JÉRUSALEM D’ALAN MOORE
Ce livre-grimoire d’Alan Moore est à propos de Northampton, sa ville, plus précisément du quartier pauvre des Boroughs.
Ici, l’expression du temps et de l’histoire emprunte à la cosmologie – l’UniversBloc, le passé, le présent et l’avenir existent de la même façon dans l’espacetemps – et à la philosophie du temps – l’Eternalisme. Alan Moore fait de la relativité restreinte d’Einstein la base d’un nouveau genre de fiction littéraire traversé par la poésie, la philosophie, l’économie, l’art, la culture populaire, l’histoire, la politique, la métaphysique et la géographie, qui est ici verticale puisqu’il se passe des choses dans tous les coins. Tout y est habité.
C’est un livre passionnant, puissant et ambitieux, parfois difficile, épuisant car très dense, chaque image s’ouvre comme un pop-up infernal et sans fin : rien n’est un détail, l’importance des choses dans le récit est égalitaire.
Il offre l’éternité à tout le monde, surtout aux classes ouvrières et populaires, héroïnes de Jérusalem mais aussi aux déclassés, aux sans-abri, aux putes, aux artistes, aux junkies, aux pédés, aux enfants, aux alcooliques, aux fous.
Ce livre m’a offert une des plus belles et troublantes lectures que j’aie jamais eues et s’est imprimé durablement dans ma tête et dans mon coeur, comme un trésor. On peut s’y perdre, le lâcher, mais il est si entêtant qu’on y revient vite, sous emprise du sortilège lancé par Alan Moore. Merci à Claro, le traducteur, sans qui cet or brut ne nous serait pas parvenu, gloire à lui !
Jerusalem d’Alan Moore (Inculte Editions, 2017). Disponible en version numérique