Les Inrockuptibles

1964 / Le Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel (et six autres films)

- B. D.

“Moi, je suis pour qu’on s’amuse, Sapristi ! Moi je suis pour l’amour, pour l’amour fou !” Cette phrase, Michel Piccoli la prononce deux fois dans Le Journal d’une femme de chambre (1964) de Luis Buñuel. La première fois à Célestine, jouée par Jeanne Moreau, la seconde à Marianne, incarnée par Muni, actrice fétiche et discrète de Buñuel. Cette déclaratio­n condense non seulement tout un pan de la carrière de Piccoli, dont plusieurs rôles auront consisté en l’exploratio­n d’un continent des plaisirs en dehors de la norme, mais elle s’applique aussi bien à deux autres personnage­s de grand épicurien qu’il aura incarnés pour le cinéaste espagnol. Buñuel aura été le premier réalisateu­r à percevoir chez l’acteur cette qualité mutine et sensuelle, que l’on retrouvera dans ses rôles suivants, notamment ceux de La Grande Bouffe et de Mauvais Sang.

Après avoir donc incarné un bourgeois sexuelleme­nt frustré et lubrique dans Journal d’une femme de chambre, il est Henri Husson dans Belle de jour (1967). Bien que secondaire (en sept films, Buñuel ne lui donnera pas de rôle principal), son personnage est capital puisque c’est lui qui mentionne à Séverine (Catherine Deneuve) l’existence d’un bordel de luxe qu’il fréquente. Ce rôle de détonateur des plaisirs de la chair sera porté à son paroxysme dans leur collaborat­ion suivante, où Piccoli incarne le divin marquis de Sade dans La Voie lactée (1969).

A ces trois rôles de libertin, qui fixe une partie de la mythologie piccolienn­e, s’ajoutent trois rôles qui sont, à l’inverse, des symboles de la norme et du pouvoir (religieux, politique et judiciaire). Dans leur premier film ensemble, La Mort en ce jardin (1956), un film d’aventures tourné au Mexique et teinté d’esthétique surréalist­e, Piccoli incarne un prêtre aux côtés de Simone Signoret. Puis il est ministre de l’Intérieur dans Le Charme discret de la bourgeoisi­e (1972) et joue un préfet de police dans Le Fantôme de la liberté (1974). Enfin, il sera la voix de Fernando Rey dans Cet obscur objet du désir (1977).

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