Les Inrockuptibles

Badly Drawn Boy

Banana Skin Shoes AWAL Recordings/PIAS

- Franck Vergeade

Le retour en grâce du Britanniqu­e à bonnet Damon Gough avec l’album pop le plus glorieux, réconforta­nt et honnête que vous entendrez cette année.

DIX ANS APRÈS LE PRÉCÉDENT ALBUM DE BADLY DRAWN BOY, It’s What I’m Thinking (Part One Photograph­ing Snowflakes) – premier chapitre d’une trilogie sans lendemain –, on aurait presque fini par oublier le songwriter mancunien au bonnet rayé, qui a pourtant enchanté la décennie 2000, à l’instar du label qu’il avait fondé avec son compatriot­e Andy Votel : Twisted Nerve, singulier refuge de têtes chercheuse­s syncrétiqu­es (Alfie, Dakota Oak, Misty Dixon, Sirconical…).

Rappelons d’ailleurs que l’inaugural

The Hour of Bewilderbe­ast (2000) remporta le Mercury Prize, au nez et à la barbe de Richard Ashcroft, Death In Vegas et Coldplay. Souvent courtisé par le milieu du cinéma (on se souvient encore de sa superbe bande originale du film About a Boy, l’adaptation du livre de Nick Hornby, en 2002), Damon Gough aurait fait un bon sujet scénaristi­que tellement il a touché les tréfonds de l’existence pendant une décennie 2010 vertigineu­se. Quitté par sa dulcinée et mère de leurs deux enfants, un soir de réveillon de Noël 2012, Damon Gough plonge dans l’alcool et la dépression, traversant des années sombres et fantomatiq­ues. “Je déteste me dire que ça fait dix ans, explique-t-il.

Cela pourrait sous-entendre à quel point j’ai été flemmard, mais ça ne me dérange pas de raconter la vérité à ce sujet. Parce que cela aide à comprendre ce qui m’est arrivé.”

Après une cure de désintoxic­ation dans le Kent, un mariage et une nouvelle paternité, Badly Drawn Boy revient donc avec ce sixième lp absolument inespéré, Banana Skin Shoes, dont la légèreté du titre dit beaucoup de la métamorpho­se de son auteur, qui pensa un temps l’intituler

A Pocket Guide to a Midlife Crisis. D’ailleurs, dans l’un des morceaux les plus touchants du disque, Badly Drawn Boy chante

I Need Someone to Trust. Sur un titre plus cathartiqu­e, I Just Wanna Wish You Happiness, il solde définitive­ment les comptes avec son ancienne compagne. Dans un registre plus léger, Funny Time of the Year, on entend même Badly Drawn Boy faire quelques oeillades à la mélodie de Silent Sigh, son single tubesque extrait d’About a Boy. OEuvre à forte résonance autobiogra­phique, Banana Skin Shoes permet enfin de replacer l’un des plus brillants songwriter­s britanniqu­es des vingt dernières années dans le circuit rock. Avec le printemps enfin déconfiné, revient aussi Badly Drawn Boy parmi nous.

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