Les Inrockuptibles

Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar Ad Astra de James Gray

Deux odyssées analytique­s qui portent l’empreinte forte de ceux qui les ont initiées.

- Jean-Marc Lalanne

Les deux films caracolaie­nt à la première et deuxième place de notre top des meilleurs films de 2019. C’est à nouveau main dans la main qu’il arrivent sur Canal+. Le téléspecte­ur ne pourra qu’être frappé par leurs échos. Ad Astra et Douleur et Gloire sont deux odyssées analytique­s, deux cheminemen­ts parmi les traumas fondateurs et les blessures d’enfance.

Récit de conquête spatiale, Ad Astra est sans ambiguïté, avant tout, un voyage intérieur. Quelle image manque au sujet Brad Pitt ? Celle de son père mort. Il doit donc la fabriquer, entamer une quête aussi longue qu’un trajet aux bordures de l’univers : une cure analytique. La puissance du film de James Gray tient à la littéralit­é de sa parabole. L’espace y est avant tout un espace de parole, un réceptacle au monologue du personnage, qui dévide en off un discours introspect­if. Dans la Voie lactée résonne une voix. Et cette voix conduit à une image, celle, enfin atteinte, du cadavre paternel, d’un cordon qu’on tranche et du corps encombrant qui enfin disparaît dans les ténèbres. Comme Ad Astra, mais de façon plus sinueuse, Douleur et Gloire retranscri­t un cheminemen­t analytique. Mais à l’envol vers les astres, Almodóvar oppose un mouvement inverse (mais métaphoriq­uement tout aussi introspect­if) : un creusement sous terre. Il faut au personnage revisiter mentalemen­t ses souvenirs d’enfance dans une maison enterrée, éclairée sommaireme­nt par un puits de lumière, pour opérer un ressaisiss­ement de tout son être et espérer se dégager un peu de l’enfer de la dépression.

Ad Astra de James Gray, avec Brad Pitt, Tommy Lee Jones (E.-U., 2019, 2 h 04) Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar, avec Antonio Banderas, Asier Etxeandia (Esp., 2019, 1 h 54)

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