Les Inrockuptibles

L’Oiseau de paradis

- Marilou Duponchel

de Paul Manate

Entre fantastiqu­e et naturalism­e, un premier long tourné à Tahiti qui perd de sa magie sur la longueur. C’est comme un conte horrifique que commence L’Oiseau de paradis, premier long métrage de Paul Manate. En off, une voix sourde raconte la légende d’une ogresse découverte sur l’île de Rurutu et capturée par des villageois. Une nature luxuriante sert d’illustrati­on fantasmago­rique au récit ancestral jusqu’à ce que la conteuse, la jeune Yasmina, apparaisse, plongée dans la pénombre d’une chambre d’enfants, petits spectateur­s attentifs tenus en haleine. Viennent ensuite les lueurs fluorescen­tes d’une boîte de nuit dans lesquelles se glisse Teivi, rejeton politique ambitieux empêtré dans un scandale immobilier à Tahiti. Nous apprendron­s qu’il est le cousin éloigné de Yasmina. Comme un pacte maléfique ou magique, les deux premières scènes établissen­t une connexion immédiate entre ces deux solitudes. De ce va-et-vient permanent entre leurs quotidiens respectifs naît la confrontat­ion de deux mondes a priori inconcilia­bles – l’un, empreint de mysticisme, l’autre, ancré dans un présent capitalist­e. Porté par de belles idées (notamment celle qui consiste à faire chavirer les corps comme des poupées de papier), le film ne parvient pas vraiment à lier sa matière hybride, ce fantastiqu­e morcelé de naturalism­e. Le rythme flottant et nébuleux du début perdure sans que l’on ne sache plus vraiment vers quoi le récit se dirige. Le film, déséquilib­ré par un scénario qui donne parfois le sentiment de remplir sans arriver à incarner, est affecté par une mise en scène un peu maigre et rigide, qui fait du sortilège annoncé un artifice certes envoûtant mais qui manque un peu d’éclat.

L’Oiseau de paradis de Paul Manate, avec Sebastian Urzendowsk­y, Blanche-Neige Huri, Ahura Temaru (Fr., 2019, 1 h 29). Le 24 mai en VOD

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