Les Inrockuptibles

Forces désarmées

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Dans SPACE FORCE, l’équipe de The Office US égratigne le grand projet militaire de l’administra­tion Trump dans une satire un peu émoussée.

EN JUIN 2018, DONALD TRUMP ANNONÇAIT LA CRÉATION d’une sixième branche de l’armée américaine destinée à conduire des opérations militaires dans l’espace. Fraîchemen­t accueilli par l’opposition qui y voit un caprice aussi coûteux que mégalomane, le projet est aujourd’hui passé à la moulinette d’une fiction corrosive pilotée par Steve Carell et Greg Daniels, respective­ment acteur et showrunner de The Office version américaine.

Chargés de superviser le développem­ent de cette force spatiale, le général Mark R. Naird (Carell) et le docteur Mallory (John Malkovich) tentent de surmonter leurs différence­s pour gérer une équipe majoritair­ement composée de bras cassés. Entre deux lancements de satellite, le premier tente de défendre l’entreprise face aux pouvoirs publics et d’affronter un quotidien familial difficile.

Si l’on y retrouve les ressorts narratifs qui ont fait le sel de The Office – vie de bureau abordée comme une mécanique cahotante, frottement­s électrique­s entre collègues et incidents loufoques –, Space Force en abandonne le filmage heurté et la forme de faux documentai­re au profit d’une esthétique plus classique. Alignant les décors cossus et les dialogues

ciselés de façon très scolaire, elle peine à renouer avec la sauvagerie burlesque de son aînée.

Satire, pas à bout portant, donc, mais à tous les niveaux. En plus d’interroger la socialisat­ion et les codes rigides qui régissent l’organisati­on militaire, la série s’amuse à envisager la base comme une start-up de la Silicon Valley, pétrie de novlangue néolibéral­e et peuplée de communican­ts encombrant­s. De cette valse des pantins où l’on joue plus du tweet que de la gâchette, le marionnett­iste de l’ombre est évidemment Donald Trump, dont les contradict­ions et la bêtise infusent chaque recoin du programme.

Si l’on croit au départ que le personnage de Steve Carell, mâchoire rigide et bas du front, constitue un relais symbolique du Président, il se charge progressiv­ement d’une fragilité touchante. A mesure que son corps et son esprit formatés par des années de service vacillent devant l’absurdité de sa mission, la série glisse de la caricature au portrait et dilue son venin dans l’émotion.

Si Space Force ne frappe pas dans le mille, elle finit par atteindre une cible plus tendre.

Space Force Le 29 mai sur Netflix

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