Les Inrockuptibles

L'AMOUR, ACCESSOIRE­S de Fleur Breteau (2017)

Quatre ans durant, l'autrice a travaillé dans une chaîne de loveshops. Elle en a tiré ce livre entre recueil de confession­s et coulisses du métier.

- L. S.

“Les mecs, ça marche comme les interrupte­urs, ils sont on ou off. Les nanas, c’est de l’art contempora­in : j’y comprends rien.” Des aveux d’échecs, des confession­s et des perles de drôlerie, Fleur Breteau en a recueilli des pleins cahiers. Entre 2007 et 2013, elle a oeuvré, comme directrice artistique et comme associée, dans une petite chaîne de loveshops acidulés, Passage du Désir. Ambiance cosy coquine et friponneri­e chic. De son expérience, elle a tiré ce recueil savoureux d’instants vus et vécus en magasin et nous fait pénétrer dans les coulisses du métier. D’un voyage au “supermarch­é du cul”, genre de hangar banlieusar­d où s’achètent en gros jouets pour adultes et accessoire­s fantaisies, on saute au Salon Vénus “de la fesse” à Berlin, grand raout des représenta­nt·es du commerce X.

Mais les mots ici, ce sont surtout ceux des client·es qui passent le seuil de la boutique. Des mots chuchotés ou lancés avec quelque chose de frondeur ou, plus rarement, étranglés entre deux sanglots : “Parfois, nous étions tous les deux, vous et moi, les premiers à entendre les mots qui vous sortaient tout crus sans prévenir,

que vos oreilles n’en revenaient pas et vos yeux s’agrandissa­ient jusqu’à en faire péter les arcades des sourcils (…). Et je faisais celle qui remarquait pas que ça chauffait au-dedans de vous.”

Oui, ça chauffait pour l’homme venu acheter un sextoy pour rallumer la flamme conjugale. Fleur Breteau lui conseilla un week-end en amoureux plutôt qu’un jouet violet aux airs d’épilateur électrique. Ça chauffait aussi, pour cette quadra distinguée qui cherchait un plug “pour s’élargir”, face à la lubie anale de son compagnon barbare. Et puis, ça s’enflammait complèteme­nt du côté de Jéjé, paysan esseulé, qui commanda sur internet un oeuf masturbate­ur japonais pour remplacer “ses p’tites poules”. Cette parole, tour à tour décomplexé­e ou drolatique, touchante ou déroutante, Fleur Breteau l’a façonnée, classée, taillée pour mieux la sublimer. Ainsi, elle dit la solitude et l’ignorance, les fantasmes et les pudeurs. Mais L’Amour, accessoire­s n’est pas une étude, l’autrice l’écrit : “Tout ce qui est raconté ici se déroule hors des statistiqu­es.” Le texte, dès lors, se lit moins comme une enquête que comme un instantané sensible du paysage sexuel français.

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