LA BELLE ÉCHAPPÉE de Nicholson Baker (2011)
Bienvenue au pays des Baisonours : l’Américain imagine une utopie où le sexe serait roi. Un beau conte de fesses.
C’est un pays des merveilles classé XXX, auquel on n’accède pas en passant par un terrier de lapin mais en se laissant aspirer par une variété d’orifices – trou de parcours de golf, sèche-linge, méat urinaire ou capuchon de stylo. Au-delà se trouve une terre de cocagne érotique, qui est aux amateur·rices de bombance charnelle ce que la chocolaterie de Roald Dahl est aux plus goulu·es dévoreur·ses de cacao : un lieu dévolu à l’exultation des sens, au décuplement des désirs et au foisonnement des fantasmes. Avec ce roman paru en 2011 aux Etats-Unis, Nicholson Baker dévoie en effet le conte de fées au contact du Kâmasûtra.
Narrées, pour l’essentiel, sur le ton de la fantaisie naïve, les aventures de Shandee, Dave, Rhumpa et les autres doivent une grande partie de leur charme au décalage entre l’égalité d’humeur de la prose (“C’est là que nous trouvons les essences dures dont sont tirés nos saladiers et notre ligne Dendros de godemichés…”) et l’extravagance des objets, situations et métamorphoses qu’elle décrit. Dotés d’une plasticité proprement cartoonesque, les corps échangent sans frontière de genre leurs organes génitaux, les arbres se muent en hardeurs patentés et des hommes sans tête font de dociles sex-toys ; à l’entrée de ce parc d’attractions, d’émoustillantes têtes de chapitres promettent aux badauds monts (de Vénus) et merveilles
(de la science) – “Henriette opte pour la pompafesses”, “Polly visite la Salle aux
Pénis”, “Luna s’accouple avec un arbre à chibres”, “Rhumpa rend visite au pornomonstre” ou “Dave récupère sa bite d’origine”. Implicitement féministe
(ce sont les filles qui mènent la danse), volontiers humoristique (le monde parallèle de la “maison des trous” est régi par des règles d’une absurdité carabinée) et gaillardement parodique, le livre de Baker se cantonne délibérément à une sexualité saine, solaire, consensuelle et désinhibée.