Les Inrockuptibles

JOURNAL DE L’AMOUR – JOURNAL INÉDIT ET NON EXPURGÉ DES ANNÉES 1932-1939 d’Anaïs Nin (2003)

Anaïs Nin dévoile sa sexualité hors norme à travers le récit d’une vie amoureuse multiple et de sa liaison avec son père. Un monument du genre.

- E. B.

La part la plus sulfureuse de l’oeuvre de Nin sommeillai­t en fait dans son Journal : publié pour la première fois en 1969, mais dans une version délestée de ses passages les plus licencieux, Inceste reparaît en 1992 sous une forme cette fois non expurgée. Tirée du Journal de l’amour, qui s’étend de 1932 à 1939, cette section concerne presque exclusivem­ent la vie sentimenta­le et sexuelle de Nin. Au plus proche, par définition, de son ressenti, l’écriture y explore un désir cru et un appétit charnel hors norme, à travers un défilé de figures masculines sacralisée­s.

Concentré sur les années 1932-1934, Inceste nous fait entrer dans l’intimité de sa relation avec Henry Miller et son épouse June – dont elle a déjà conté l’éclosion dans Henry et June. Bien que Miller soit à plusieurs reprises dépeint comme un ogre sexuel, doué d’une libido hors du commun, la sensualité affleure surtout dans la complicité charnelle que nouent les deux femmes.

La démesure sexuelle chez Nin suit le chemin d’une transgress­ion, et va atteindre son paroxysme à travers la liaison incestueus­e qu’entame Nin avec son père en 1933. Père et fille se réunissent pour quelques jours dans un hôtel de Valescure, en France. La jeune femme goûte ce temps passé avec ce père, pianiste célèbre et don juan, qui a quitté sa mère tôt et manqué à son enfance. Chez ce père vieillissa­nt, mais toujours beau et charismati­que, elle reconnaît “l’homme que j’avais cherché dans le monde entier. (…) Le lion, le roi de la jungle, l’homme le plus viril que j’aie jamais connu”. Hantée par cette liaison, Nin ne l’incorpore pas moins à la somme des autres qui cohabitent dans sa vie. Anaïs s’estime en effet coupable de “quadruplic­ité en amour”. Au début des années 1930, ses amants “fixes”, en comptant son père, s’élèvent à cinq – sans parler des unions fugaces.

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Inaugurati­on of the Pleasure Dome de Kenneth Anger (1954)
Anaïs Nin dans Inaugurati­on of the Pleasure Dome de Kenneth Anger (1954)

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