Les Inrockuptibles

L’AMANT DE LADY CHATTERLEY de D.H. Lawrence (1928)

Lorsqu’une jeune femme bien née et mariée goûte aux joies de la sexualité avec son garde-chasse, c’est toute la société qui se sent menacée. Une ode bucolique à la liberté du corps et de l’esprit.

- A.-C. N.

“Aimeriez-vous que votre femme ou vos domestique­s lisent ce livre ?” En 1960, trente-deux ans après sa parution en Italie, L’Amant de Lady Chatterley de l’auteur anglais D.H. Lawrence sortait enfin en version non expurgée en Grande-Bretagne, et sa publicatio­n donna lieu à un retentissa­nt procès pour obscénité contre l’éditeur Penguin.

La célèbre question posée par le procureur Mervyn Griffith-Jones n’eut pas raison de l’ouverture d’esprit du jury, qui jugea Penguin non coupable.

Les foules britanniqu­es purent enfin goûter à ce roman à la réputation sulfureuse – trois millions d’exemplaire­s furent vendus en Grande-Bretagne dans les trois mois suivants. Elles découvrire­nt alors enfin l’histoire de l’impudique Constance, jeune femme issue de la bourgeoisi­e intellectu­elle mariée à un baronnet qui revient de la Grande

Guerre paralysé et impotent. Délaissée sexuelleme­nt, constatant amèrement le déclin de son corps jamais touché, Constance se détache peu à peu de son mari et trouve du réconfort dans les bras du garde-chasse du domaine, Oliver Mellors. Alors que Constance s’éveille aux beautés du sexe, lui, malheureux en ménage, retrouve tendresse et plaisir d’être avec une femme.

Lu aujourd’hui, L’Amant de Lady Chatterley n’a rien de graveleux ni même de torride. Les scènes de sexe sont brèves et moins nombreuses que celles, bucoliques et sensuelles, célébrant avec poésie les beautés de la nature. L’acte sexuel y est résumé dans des termes gentiment soft (“L’homme fit glisser doucement et soigneusem­ent jusqu’aux pieds de Connie le mince fourreau de soie, puis avec un exquis frisson de plaisir, il éprouva la chaleur de son corps et déposa un baiser sur son nombril. Il dut la pénétrer immédiatem­ent, accéder à la paix terrestre que lui offrait ce corps tranquille et doux.”).

Cette mixité sociale née de la sexualité, la revendicat­ion de leur droit au bonheur malgré leur différence de statut, le fait qu’ils osent aller contre les convention­s avaient finalement plus de quoi choquer la bourgeoisi­e et l’aristocrat­ie que leurs tendres ébats.

 ??  ?? Marina Hands et Jean-Louis Coulloc’h dans le classique de D.H. Lawrence vu par Pascale Ferran (2006)
Marina Hands et Jean-Louis Coulloc’h dans le classique de D.H. Lawrence vu par Pascale Ferran (2006)

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