TELENY d’Oscar Wilde (1893)
En marge de ses écrits, qui abondent déjà en références à une philosophie hédoniste et jeux de mots à double sens, Oscar Wilder rédigea un étonnant roman érotique à tendance pornographique.
On a longtemps douté de la paternité de Teleny, petit roman paru en 1893, sous le manteau et à tirage très limité. Sans doute était-il embarrassant de trouver soudain tant de pornographie chez l’incomparable artiste qu’était Oscar Wilde. Et puis, les conditions mêmes de sa composition (il s’agirait du résultat d’un pari d’écrire à plusieurs mains) le rendaient décidément louche. Il était plus réconfortant d’imaginer que Wilde n’avait pas beaucoup touché à cette succession de scènes obligées (l’éducation sentimentale interrompue avec la découverte de la chère amie faisant pipi ; la visite au bordel qui tourne à l’orgie la plus ignoble ; les scènes d’amour hétérosexuel qui suivent le cahier des charges : missionnaire, levrette, masturbation, fellation, etc.) aboutissant à de longues descriptions de tendres ébats homosexuels. En réalité, il semble bien que, d’une idée ébauchée avec quelques amis, il ait été le seul à accoucher sur papier.
C’est un récit de possession d’un homme par un autre homme, René Teleny, qui apparaît comme un idéal synthétisant toutes les aspirations artistiques et sexuelles de Wilde. Tout ce qui ne sacrifie pas aux obligations pornos est ici d’une rare sincérité, et la fatale attraction du narrateur pour Teleny s’avère finalement bien plus érotique que le détail de leurs copulations. La noirceur des pages consacrées aux galipettes hétérosexuelles (qui s’achèvent toujours dans la mort et l’effroi) ne vise d’ailleurs qu’à rendre plus solaire l’union passionnelle, fragile, menacée, nécessairement clandestine, et dont dès le début il semble qu’elle finira mal, des deux jeunes hommes.