Les Inrockuptibles

LE ROMAN DE VIOLETTE de la marquise Mannoury d’Ectot (1883)

Un roman d’initiation aux choses de l’amour qui met en scène, au XIXe siècle, trois visages du saphisme.

- J.-B. D.

Longtemps une énigme, Le Roman de Violette, publié par “Une célébrité masquée” à Bruxelles en 1883 mais daté “Lisbonne, 1870”, est désormais attribué à la marquise Mannoury d’Ectot. Si la qualité du texte a pu donner quelque crédit aux pistes menant à Alexandre Dumas ou Théophile Gautier, l’apologie de la liberté amoureuse et la sensibilit­é aux émotions féminines trahit celle qui signa aussi “la vicomtesse de Coeur-Brûlant”. Née Mademoisel­le Le Blanc, la marquise se retrouva veuve assez jeune et usa de sa fortune à la manière d’une Madame Verdurin normande, accueillan­t généreusem­ent poètes, artistes et musiciens, parmi lesquels Verlaine ou Maupassant. Ruinée après 1870, elle se réfugia en Belgique, où elle continua à fréquenter les milieux littéraire­s. Prenant à son tour la plume, elle devint la première autrice avérée de clandestin­s érotiques.

On lui accorde aujourd’hui trois romans licencieux, dans lesquels elle paraît raconter dans son salon ce qu’elle faisait dans son boudoir. Dans Le Roman de Violette, Christian, un peintre, recueille Violette, une jeune lingère qui vient d’échapper aux désirs brutaux de son employeur. Il installe l’innocente adolescent­e dans sa garçonnièr­e et entreprend de l’initier avec attention aux choses de l’amour. Anatomique et sensuelle, cette éducation est aussi philosophi­que, Christian défendant ardemment le droit naturel des femmes à disposer d’elles-mêmes. Ralliée à ces vues progressis­tes, Violette se trouve toute disposée à goûter aux plaisirs que lui offre la comtesse Odette de Mainfroy, une riche veuve dégoûtée des hommes par son mari. Pour préserver le trio, désormais lié par un pacte sensuel, la comtesse va être amenée à séduire une jeune actrice, Florence, connue pour ses penchants lesbiens. A travers Violette, Odette et Florence, d’Ectot dessine trois images du saphisme : curiosité, passion et dédain. Sans aller toutefois jusqu’à envisager que l’homme puisse complèteme­nt sortir du tableau.

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