Marie Hermanson

Le Pays du crépuscule Actes Sud (Actes Noirs), traduit du suédois par Johanna ChatellardSchapira, 288 p.. 22 €

Un roman noir dérangeant qui confronte de jeunes paumé·es à une vieille dame.

La vieille dame qui habite au manoir n’a plus toute sa tête : elle se croit toujours dans les années 1940 et raconte que son père, diplomate, participe à la reconstruction de l’Europe d’après-guerre. Les cinq jeunes adultes qu’elle emploie comme secrétaire particulier, gouvernante ou gardien ne la contredisent pas. Au contraire, ils·elles s’organisent pour que perdure l’univers factice de la vieille dame. Sont-ils·elles attendri·es, cupides, ou simplement fasciné·s par l’incroyable jeu de rôle grandeur nature auquel elle leur permet de participer ?

Marie Hermanson construit un impeccable roman noir porté par la voix très juste de la narratrice. A 22 ans, Martina a accumulé les échecs lorsqu’elle se retrouve miraculeusement au manoir. Comme elle, chaque jeune adulte employé·e là s’est heurté·e à la brutalité du monde du travail, dépeint comme une machine à générer des perdant·es et des gagnant·es. La narratrice les observe autant qu’elle observe la vieille dame, et tout dans ce roman va tourner autour des notions de loyauté et de trahison. Le suspense ne réside pas seulement dans ce qu’il va se passer au manoir mais aussi dans ce qu’il s’y est passé durant la guerre. C’est dans cette double intrigue que réside en grande partie l’originalité de ce petit roman qui va se révéler, on s’en doute, particulièrement acide.