CÉRÉMONIES DE FEMMES de Jeanne de Berg (1985)
Maîtresse SM et épouse d’Alain Robbe-Grillet, Catherine Robbe-Grillet se dissimulait derrière le pseudo de Jeanne de Berg pour signer le récit de ses cérémonies, et nous ouvrir les portes d’un univers secret.
En 1956, un certain Jean de Berg publie L’Image aux Editions de Minuit, un roman érotique qui sera aussitôt frappé par la censure. Vingt-neuf ans plus tard, sur le plateau d’Apostrophes au milieu d’invités médusés, apparaît une certaine Jeanne de Berg, petite et gracile, le visage masqué par une voilette. Elle est l’invitée de Bernard Pivot pour présenter Cérémonies de femmes, le livre étonnant où elle consigne les cérémonies BDSM qu’elle organise entre femmes. Tous la regardent sans savoir s’il s’agit d’une farce ou d’un véritable phénomène. Pivot suggère alors qu’elle est l’épouse d’un écrivain célèbre, dont le nom ressemble à “jupe brûlée”.
Jean ou Jeanne de Berg, c’est en fait Catherine Robbe-Grillet, née en 1930, qui a épousé le pape du Nouveau Roman, Alain Robbe-Grillet, en 1957 ; d’abord initiée par son mari au rôle de soumise, elle réalisera vite qu’elle est plutôt dominatrice, qu’elle aime les mises en scène théâtrales, une forme de déplacement du sexe dans un rituel sadomasochiste encore prolongé ou accentué par l’écriture d’une scénographie, l’imagination d’un décor, l’ajout d’artifices… Bref, dans la recréation tridimensionnelle d’un univers totalement fantasmatique, onirique, dont la plus grande beauté réside aussi dans son caractère éphémère. Un moment troublant, inédit, qui ne se partage qu’entre participant·es.
Catherine Robbe-Grillet a toujours refusé que ses cérémonies soient filmées, et “vues” par des non-initié·es autrement que par l’écriture de ses livres. Cérémonies de femmes nous ouvre donc les portes d’un monde parallèle au nôtre (nous, les non pratiquant·es), d’un culte esthétique, cérébral, ritualisé, littéraire, d’autant plus érotique – et non pornographique – qu’il comporte ses propres codes, secrets.