Les Inrockuptibles

Guy Bedos mort d’un mélancomiq­ue

Moins d’une semaine après son éternel complice Jean-Loup Dabadie, le stand-uppeur, acteur et artiste GUY BEDOS s’est éteint à l’âge de 85 ans.

- TEXTE Laurent Malet

p. 50

GUY BEDOS AVAIT COUTUME DE DIRE QU’IL ÉTAIT DES PERTES DONT IL NE SE REMETTRAIT JAMAIS : Sophie Daumier, avec laquelle il avait formé un duo comique et un couple amoureux qui ont décapé l’humour une décennie durant avec la complicité de Jean-Loup Dabadie ; Pierre Desproges, qu’il poussera presque de force sur scène et qui sera l’auteur d’un mémorable éloge funèbre anthume à son ami ; Simone Signoret, compagne fidèle de combats pour les droits de l’homme et contre le racisme. Son tour est donc venu de figurer au Panthéon des cher·es disparu·es.

Né le 15 juin 1934 à Alger, Guy Bedos sera très mal élevé par un père raciste et une mère aimant Pétain, une éducation salutaire à rebours puisqu’elle fera de lui un homme toujours en réaction et toujours s’élevant contre, contre les intoléranc­es et, partant, contre l’extrême droite. Homme de gauche, donc, même si confessant souvent sous Mitterrand, qu’il avait pourtant soutenu, “qu’il est difficile d’être de gauche en ce moment, surtout si on n’est pas de droite”. Une époque où, après des années de censure sous Giscard, il revient en grâce et où, parfois, l’homme engagé efface l’artiste.

A son arrivée à Paris en 1949, alors qu’il se désincarcè­re enfin de l’étouffante cellule familiale, Guy Bedos se rêvait en effet artiste ou, mieux, comédien. Il intègre l’Ecole de la rue Blanche où il côtoie, entre autres, Belmondo et Marielle, fait quelques apparition­s au cinéma chez Carné ( Les Tricheurs, 1958) ou Renoir (Le Caporal épinglé, 1962) mais, très vite, c’est la scène qui le happe grâce aux encouragem­ents de Pierre et Jacques Prévert ou de Boris Vian.

Après quelques spectacles, dont une double affiche Bedos/ Barbara à Bobino, vient la parenthèse enchantée avec Sophie Daumier, une décennie de sketches dénonçant déjà le sexisme, le racisme, la bassesse de vue, en un mot qu’il affectionn­ait

“la connerie”, et auxquels l’ami Dabadie contribue souvent. Après la séparation, à la ville et à la scène comme le veut l’expression consacrée, du duo/couple, Guy Bedos doit se réinventer et crée une nouvelle forme de seul-en-scène (toujours accompagné de Dabadie à l’écriture) qui exclut accessoire­s, déguisemen­ts et artifices pour ne privilégie­r que le seul verbe.

Le succès venu, Guy Bedos est de nouveau sollicité au cinéma, notamment dans le diptyque Un éléphant, ça trompe énormément (1976) / Nous irons tous au paradis (1977) (Dabadie est toujours de la partie, il va sans dire) où il incarne un émouvant Simon Messina bouffé et envahi par sa mère, dans cette veine mélancomiq­ue qui est sa marque de fabrique et qui bouleverse dans la scène où, sans faire son Tchao Pantin, à la descente du train où les copains l’attendent, il se décompose à l’annonce de la mort de Mouchy, mère haïe et aimée. Et on se souviendra surtout de son étonnante participat­ion au Jardin qui bascule (1975), drame élégiaque signé par un des esthètes les plus originaux du cinéma français, Guy Gilles, dans lequel Bedos donne la réplique à Delphine Seyrig.

De lui, on se souviendra aussi de la silhouette courbée s’avançant lentement à la terrasse d’un bar du port de Calvi ou d’une plage en contrebas de Lumio, où, chargé d’une pile de journaux, il faisait toujours sa revue de presse bien après celle qui a fait sa réputation en scène.

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Guy Bedos, en 1967

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