Les Inrockuptibles

L’Ombre de Staline

D’Agnieszka Holland

- Léo Moser

Un journalist­e novice découvre l’implacable système de désinforma­tion stalinien. Un troublant miroir tendu à notre époque.

1933. APRÈS AVOIR DÉCROCHÉ UNE INTERVIEW D’HITLER – qui vient tout juste d’accéder au pouvoir –, Gareth Jones, journalist­e gallois débutant mais opiniâtre, débarque à Moscou pour enquêter sur le supposé “miracle soviétique”. Face à l’inertie de ses contacts occidentau­x, anesthésié­s par la propagande russe, il suit la piste d’un ancien confrère “mystérieus­ement” assassiné, qui l’amène en Ukraine, terre nourricièr­e de l’Union soviétique. Ce qu’il y découvre est inimaginab­le : une famine décime les paysans ukrainiens par millions. C’est l’Holodomor (littéralem­ent “exterminat­ion par la faim”). Bien décidé à révéler cette vérité abrasive, loin d’un récit national contrefait, entretenu par des journalist­es occidentau­x complices (et dont le silence a été acheté), le jeune Mr. Jones va mener jusqu’au bout sa quête de vérité.

Le film d’Agnieszka Holland jette sur notre époque falsificat­rice, viciée par les fake news et les réalités alternativ­es, un éclairage ténébreux. Gareth Jones y figure une sorte de lanceur d’alerte originel, empêché par un jeu d’alliances brumeux qui impose une loi du silence glaçante. Dommage que les personnage­s (peu incarnés) et la mise en scène (brouillonn­e) s’effacent devant le sujet. Si la séquence en Ukraine, apocalypti­que, saisit bien l’ampleur du crime contre l’humanité perpétré par l’URSS stalinienn­e, le reste du film, abusivemen­t discursif, convainc moins. L’Ombre de Staline reste néanmoins un film salutaire, qui, en revisitant une tragédie du XXe siècle passée sous silence, interroge la mécanique de désinforma­tion de notre époque trouble.

L’Ombre de Staline d’Agnieszka Holland, avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard (Pol., G.-B., Ukr., 2019, 1 h 59)

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