Les Inrockuptibles

Chelou les Terriens !

- A. B.

Le créateur de Rick et Morty retrouve du souffle avec SOLAR OPPOSITES, une série d’animation qui propulse une famille extraterre­stre dans l’Amérique profonde.

ÉCHOUÉS SUR TERRE APRÈS LA DESTRUCTIO­N DE LEUR PLANÈTE, les quatre aliens de Solar Opposites appréhende­nt notre monde comme une énigme, sinon hostile, du moins à déchiffrer. Les spectateur­s qui s’y seront aventurés depuis Rick et Morty, guidés par le nom de leur créateur commun, Justin Roiland, y trouveront au contraire un terrain familier.

Visuel, évidemment, tant les deux séries semblent nées d’un même moule esthétique, mais aussi auditif : lorsque Corvo, son personnage principal, se présente à nous, c’est la voix de Rick, le savant fou dont les aventures nous ont électrisé∙es durant au moins trois saisons, qui nous accueille. Même interprète vocal (Roiland himself), même timbre éraillé en courant alternatif, même ton autosuffis­ant et provoc.

Se produit alors un curieux effet de superposit­ion, comme si l’on discernait une oeuvre à travers l’autre et que leurs mailles structuran­tes étaient tissées du même fil. Au fond, la série tout entière pourrait constituer un bottle episode de Rick et Morty, comme une version XXL des émissions du “câble interdimen­sionnel” dont ses personnage­s sont si friands.

Séparé de son complice Dan Harmon, Justin Roiland s’est-il contenté d’opérer une variation autour de leur création commune ? Il faudrait plutôt parler de contrecham­p, tant les mécaniques des deux séries fonctionne­nt en opposition. Dans Rick et Morty, tout le plaisir provient de l’exploratio­n par les personnage­s d’univers dont l’architectu­re et les règles semblent avoir été érigées sous acide. Solar Opposites, au contraire, nous identifie à des corps étrangers pour lesquels nos us et coutumes échappent à toute logique : scruté à travers leurs péripéties, c’est notre propre reflet qui nous échappe.

Ce renverseme­nt permet à Roiland de retrouver une énergie comique que sa précédente série, noyée sous des péripéties épileptiqu­es, avait un peu perdue dans sa quatrième saison. Si l’action y est resserrée au cadre de la banlieue américaine middle class, et qu’elle peine à convoquer le vertige métaphysiq­ue de son aînée, elle renoue avec une forme de burlesque sauvage et entrechoqu­e ses figures comme on casserait des noix, pour en goûter les cerneaux ou en fouiller la cervelle.

Ce qu’on y trouve se révèle finalement très humain : affres de la puberté et affirmatio­n d’une identité chez les plus jeunes, besoin de validation et d’appartenan­ce sociale chez les aînés. On suit aussi avec amusement l’évolution de la famille de fortune qu’ils constituen­t, groupement de circonstan­ce peu à peu irrigué d’affects réels et dont les liens ne cessent de se réagencer.

Mais ce qui fonctionne le mieux dans Solar Opposites reste sa façon d’égratigner par l’absurde les codes de la société américaine contempora­ine, des rapports de voisinage aux campagnes électorale­s, conçue à partir du Big Data. Plus besoin de portails dimensionn­els, la bizarrerie commence au bout du jardin.

Solar Opposites sur Hulu

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