Les Inrockuptibles

Crack Cloud

Pain Olympics Meat Machine/Bertus

- François Moreau

Ne pas se limiter à leur estampille post-punk : les Canadiens mêlent à ravir beats hip-hop, voix cosmiques et compositio­ns déstructur­ées.

“WE ARE ALL POST TRUTH”, CHANTENT-ILS EN CHOEUR SUR “POST TRUTH” (Birth of a Nation), entre joie hystérisée et folie à peine dissimulée. Le titre d’ouverture de Pain Olympics, très attendu premier album des Canadiens de Crack Cloud, trace ainsi les grandes lignes d’un disque aux allures d’immense banquet foutraque, où se mêlent le baroque et l’énergie primale de punks en route vers la rédemption.

Erigé sur les cendres d’un monde en charpie, ce collectif, estampillé un temps post-punk (sa section rythmique hybride, ses guitares dansantes, son côté arty) et régulièrem­ent cité dans les conversati­ons de piliers de bar indie, a depuis près de deux ans enfilé le costume de chef de file d’une scène rock en quête d’horizons nouveaux. Chapeauté par l’insatiable Zach Choy – batteur-chanteur, à l’instar d’Ollie Judge de la formation made in Brighton Squid, autre grande révélation de l’année dernière, que la pandémie du siècle aura ralentie dans son ascension –, Crack Cloud tente d’entrevoir une issue de secours dans une époque où la (post) vérité de Donald Trump est devenue la norme, quand ces sagouins de la

Fat White Family ne proposent qu’urine, chaos et décadence.

Présentés au public français au cours d’une tournée estivale qui les a vus investir le festival parisien Villette Sonique 2019, les kids de Calgary avaient fasciné,

déconcerté et mis en transe un auditoire à peine remis de la percée vertigineu­se outre-Manche des mathématic­iens du rock black midi.

Forts d’un disque, Crack Cloud, paru en 2018 et rassemblan­t les deux premiers ep du groupe, ces garnements ayant grandi trop vite confiaient au Guardian la même année avoir monté ce projet à géométrie variable (on parle d’une bonne vingtaine de contribute­urs, dont des musiciens, des vidéastes ou encore des illustrate­urs) autour d’une “volonté commune de guérison” ; façon de rappeler que des cicatrices laissées par la dope et la dépression peut surgir la lumière.

Pain Olympics est ainsi une sorte de montée en puissance vers un ailleurs plus serein et agit sur les maux qui galopent encore dans les veines de ces gosses comme une catharsis, à grand renfort de voix cosmiques, de beats hip-hop et de compositio­ns déstructur­ées. Quitte à perdre parfois le côté aventureux des débuts, au profit d’une mécanique de la narration un peu trop bien huilée. L’imminence de la fin du monde dans tout ce qu’elle peut susciter de génie et d’excès de zèle.

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