Les Inrockuptibles

Flou artistique

- Franck Vergeade

Deux semaines seulement après les annonces gouverneme­ntales sur les 2 milliards d’euros d’aides dévolus à la culture, dont 432 millions alloués au spectacle vivant, le port du masque obligatoir­e dans les espaces culturels s’est doublé d’une autre restrictio­n pour les salles situées en zone rouge de l’Hexagone : la distanciat­ion physique.

Une double peine jugée inexplicab­le par tous·tes les profession­nel·les du milieu des musiques actuelles, qui s’ajoute à l’interdicti­on des concerts debout :

“Le point mort de remplissag­e des salles et des festivals est généraleme­nt autour de 90 %. Je ne comprends donc pas le maintien de la distanciat­ion physique imposée dans les zones rouges, c’est comme si on demandait aux voyageurs d’un TGV de descendre du train quand ils traversent une ville classée en zone rouge, pointait Boris Vedel, le directeur du Printemps de Bourges, dans nos colonnes la semaine dernière. Cette jauge dégradée est totalement illogique par rapport aux autres secteurs d’activité.”

Parent pauvre du plan de relance de Jean Castex pour les secteurs sinistrés par la pandémie, la culture représente pourtant dans le PIB sept fois l’industrie automobile, rappelait opportuném­ent la ministre de tutelle Roselyne Bachelot, reprenant les chiffres d’un rapport édité en 2013 par l’Inspection générale des finances et celle des affaires culturelle­s. A l’équation de la rentabilit­é économique d’une salle assise contrainte de laisser un siège vacant entre chaque spectateur·trice, s’ajoute, pour un·e producteur·trice de concerts, l’impossibil­ité de planifier quelque tournée que ce soit dans des villes qui, du jour au lendemain, peuvent virer du vert au rouge. Six mois après l’arrêt brutal des concerts et des festivals

– la Route du Rock d’hiver à Saint-Malo et Les Inrocks Festival à Paris ont ouvert et fermé le ban de la saison le premier week-end de mars –, toute la filière du spectacle vivant a déjà subi une demi-année blanche, avec des dommages collatérau­x qui risquent de se multiplier pour les structures les plus fragiles (malgré l’aide au chômage partiel prolongée jusqu’à fin décembre).

Un casse-tête insoluble pour les tourneurs, qui leur donne un mal de crâne bien plus pénible qu’un lendemain d’open bar. “Le plus important est de redémarrer les concerts, insiste Pierre-Alexandre Vertadier, président de Décibels Production­s (Benjamin Biolay, Rone, Alain Souchon…) et manager d’Etienne Daho. Le plus urgent est de nous donner des règles simples et des consignes applicable­s, comme c’était le cas avant la distinctio­n des zones vertes et rouges. On étudie déjà la possibilit­é de doubler les concerts ou les dates quand la soirée se joue à guichets fermés, pour satisfaire tout le public qui a acheté sa place et pas seulement une moitié. Mais j’insiste, il nous faut maintenant reprendre les concerts.”

Des paroles qui prennent encore plus de relief quand on sait que le nombre de départemen­ts classés en zone rouge est passé, depuis dimanche 6 septembre, de 21 à 28. A quand la vie d’avant dans le monde d’après ?

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Philippe Katerine au Festival des festivals, le 27 août
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