Les Inrockuptibles

Habits de lumière

- Franck Vergeade

Pétri de lyrisme crépuscula­ire, THE APARTMENTS publie un sixième album en clair-obscur, piochant dans une galerie de personnage­s des ballades universell­es.

QUE PETER MILTON WALSH BASCULE DANS UNE NOUVELLE DÉCENNIE discograph­ique n’était pas chose aisée à imaginer quand on se remémore le hiatus séparant Apart (1997) et No Song, No Spell, No Madrigal (2015). Dix-huit ans interminab­les où l’on évoquait à l’imparfait le génie australien, devenu inconsolab­le depuis la mort de son fils Riley en 1999, auquel il donnera le nom de sa structure phonograph­ique, Riley Records. OEuvre cathartiqu­e construite comme un mémorial, cet inespéré cinquième album de The Apartments parachevai­t un retour scénique entamé au tournant des années 2010, grâce à la force de persuasion d’un journalist­e et musicien français, Emmanuel Tellier. Songwriter exemplaire à la discograph­ie parcellair­e depuis 1985, Peter Milton Walsh a toujours bénéficié dans l’Hexagone d’un culte fervent et intact. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de le retrouver aujourd’hui sur Talitres, le label bordelais qui avait déjà réédité Drift (1992), son magnifique deuxième lp, il y a quelques années.

Reconnaiss­able dès les premières notes du morceau d’ouverture Pocketful of Sunshine, le natif de Brisbane envoûte dès qu’il se rapproche du micro : “He was a running spring of fresh hopes, you wanted to marry him then/ You wanna start living again.” Comme une voix céleste et familière qui nous accompagne depuis quatre décennies. Toujours entouré de son compatriot­e Eliot Fish à la basse et du duo tourangeau Grisbi (Antoine Chaperon aux arrangemen­ts de cordes, Natasha Penot aux choeurs), Peter Milton Walsh délivre huit chansons en clairobscu­r, parfaiteme­nt résumées dans le titre de l’album : In and Out of the Light. Impérial et touchant, l’homme de

The Apartments reste fidèle à lui-même, piochant dans une galerie de personnage­s des ballades universell­es.

“Je souhaitais regarder un ensemble de personnage­s à différents moments de leur vie et les suivre, nous détaille-t-il. Je voulais voir leur histoire se dérouler, les regarder bouger constammen­t – comme nous le faisons tous – dans et hors de la lumière.” Il faut l’entendre dans What’s Beauty to Do ?, la pièce maîtresse de ce nouveau cru, nous remuer les sangs avec un art consommé du lyrisme crépuscula­ire – une qualité rare chez les songwriter­s de cette trempe qui ont parfois tendance à sombrer dans le sentimenta­lisme lacrymal. Sur Butterfly Kiss, une compositio­n typique et cuivrée de Peter Milton Walsh, il évoque pudiquemen­t sa condition de chanteur à jamais éprouvé et éploré. Dans un effet miroir avec sa propre vie meurtrie, Peter Milton Walsh se fait aussi philosophe : “J’étais moins intéressé par ce qui a mis ces personnage­s en difficulté que par ce qui les en a fait sortir. Comment ont-ils continué alors que le passé bat toujours en eux comme un second coeur ?”

In and Out of the Light (Talitres/L’Autre Distributi­on), sortie le 18 septembre

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Peter Milton Walsh, l’âme du groupe
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