Les Inrockuptibles

La Daronne de Jean-Paul Salomé

- Marilou Duponchel

Une comédie policière sur fond de trafic de drogue qui vaut surtout pour le plaisir évident que prend Isabelle Huppert à passer d’une panoplie fantasque à l’autre.

DANS UNE CAGE D’ESCALIER, ISABELLE HUPPERT SE TIENT AU MILIEU D’HOMMES DE LA BRI PRÊTS À INTERVENIR. Les têtes sont cagoulées, la sienne est découverte. Nous la voyons enfiler un gilet pare-balles et suivre la troupe armée. La scène d’action ouvre le film et cet infime détail vestimenta­ire nous en livre sa piste de lecture (méta) la plus intéressan­te. Car le plaisir provoqué par La Daronne, comédie policière efficace mais sans grande inspiratio­n de mise en scène, se trouve discrèteme­nt niché dans les plis de ce geste apparemmen­t banal. Huppert se déguise et nous l’observons, aussi amusé·es qu’elle semble l’être de le faire.

C’est d’abord sous les traits d’une traductric­e franco-arabe de la brigade des stups, mère, veuve et amante visiblemen­t sans histoires qu’elle apparaît, puis sous ceux, bigarrés, d’une dealeuse de shit bling-bling et personnage qu’elle s’invente pour écouler une cargaison de drogue perdue après l’échec d’une opération policière.

Le déguisemen­t et son cortège d’accessoire­s constituen­t dans la filmograph­ie tentaculai­re de l’actrice

une ligne claire à laquelle se rattachent plusieurs films ( 8 Femmes, Copacabana, My Little Princess, entre autres). C’est avec la conscience de ce goût pour le travestiss­ement que le film lui offre des défis de jeu, nouvelles preuves que la daronne du cinéma peut tout faire : parler arabe, rapper, porter le hijab et fumer un joint.

Autre trace émouvante et réflexive d’un film pourtant englué dans le gris d’un Paris quasi parodique (avec sa mafia chinoise bellevillo­ise, ses trafiquant­s nigauds et grands mangeurs de kebab) : il est le récit d’une femme qui s’ennuie. Le quotidien et le pâle bonheur amoureux qu’on lui offre sont insuffisan­ts pour cette Robin des bois. Seuls valent les fastes de la délinquanc­e, ceux d’une vie hors norme, éden perdu et bientôt retrouvé, capturé dans une photograph­ie d’enfance. “J’ai peut-être trouvé un moyen de m’échapper de cette vie de merde”, dit-elle. Et l’on entend alors les voix de celles qu’elle a été.

La Daronne de Jean-Paul Salomé, avec Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot, Farida Ouchani (Fr., 2020, 1 h 46)

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