Carole Fives
Térébenthine (Gallimard), 176 p., 16,50 €
Le portrait d’une jeune fille devenant adulte à travers l’apprentissage de l’art. “Toi, tu as dix-sept ans et tu rêves d’apprendre à dessiner.” Ainsi Carole Fives s’adresse à son héroïne au moment de son entrée à l’école des beaux-arts, à Lille. L’étudiante découvre avec stupeur que la peinture n’a plus la cote et que les professeur·es encouragent d’autres pratiques. On partage dans ce texte intense – sans doute largement autobiographique – les engouements et les désillusions de la jeune fille ; on affronte les snobismes et les modes ; on suit un cours accéléré d’histoire de l’art contemporain. Surtout, dans un moment où elle entre dans l’âge adulte, on assiste à sa prise de conscience du peu de place laissé aux femmes dans ce monde-là. Rarement roman n’a mieux que celui-ci mérité d’être qualifié d’apprentissage. Ici, l’évolution du personnage en tant qu’artiste est liée à son parcours de femme. C’est à un combat qu’on assiste, pour exister et exercer sa liberté de créer. Ce Térébenthine est le livre le plus abouti de l’autrice de Tenir jusqu’à l’aube (2018), qui porte l’héroïne dans son cheminement vers l’écriture. Il est aussi le plus complexe, tout entier construit autour d’un sentiment de culpabilité, une disparition annoncée dès la première page. Celle de Luc, l’ami de ces années-là, prodige incompris et trop intègre pour le marché de l’art.