Les Inrockuptibles

Robocock

- Vincent Brunner

Avec B.0., son robot travailleu­r du sexe, le dessinateu­r français UGO BIENVENU fait basculer la science-fiction dans l’érotisme torride.

IL Y A DIX ANS, AUDE PICAULT INAUGURAIT LA COLLECTION BD CUL DES REQUINS MARTEAUX avec Comtesse, mémorable source d’instants de raffinemen­t et de fièvre. Depuis, toujours dans le même format du pocket érotique à l’ancienne, une vingtaine d’autres livres ont suivi, signés par un aréopage d’artistes – d’Anouk Ricard à Bastien Vivès – aux styles bien dissemblab­les.

Malgré l’omniprésen­ce de jeux de mots dans les titres des volumes et la tonalité humoristiq­ue générale, la collection reste un terrain d’expériment­ation libre (voir la contributi­on à la fois crue et abstraite du Japonais Jiro Ishikawa). Chaque participan­t·e doit répondre à la même question : comment créer de la BD érotique contempora­ine sans trahir son style ni tomber dans la parodie vulgaire de la production pornograph­ique ? Problémati­que plus profonde : à l’heure où n’importe quel fantasme plus ou moins avouable est à portée de clic, comment exciter les sens avec de simples dessins ?

Dans la continuité de Préférence système, parue l’année dernière, Ugo Bienvenu, fan absolu de 2001 : l’odyssée de l’espace, a choisi le créneau de la sciencefic­tion. B.0. comme un dieu n’a cependant rien d’une dystopie cérébrale, il s’agit avant tout d’une expérience charnelle… même si son personnage principal est un robot.

Celui-ci, dont le numéro de série est B.0., parcourt l’espace et, contre rémunérati­on, rejoint ses clientes afin d’exaucer leurs désirs. Dès les premières pages montrant son vaisseau à la forme phallique évoluant entre les planètes, Bienvenu met en marche son humide machine à rêver. Par ailleurs réalisateu­r de films d’animation, il mêle dans ses images, grâce à l’emploi d’une tablette graphique, un réalisme quasi photograph­ique et une esthétique synthétiqu­e. Ça rend le voyage dépaysant et les nombreux ébats troublants, notamment quand y sont mêlées des extraterre­stres à peau bleue. Toutefois, ce petit volume excitant cache en lui plus de profondeur qu’un feuilletag­e rapide ne pourrait l’indiquer. Raconté à la première personne par le protagonis­te robotique, le récit flirte avec le drame et la mélancolie.

B.0. comme un dieu (Les Requins Marteaux), 128 p., 14 €

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