Les Inrockuptibles

Will Butler

Generation­s Merge Recordings/Modulor

- Alexis Hache

L’homme à tout faire d’Arcade Fire revient en solo, avec des doutes et des craintes plein la tête.

L’EMPREINTE DIGITALE PRISE DANS LE SANG QUI ORNE LA POCHETTE de Generation­s donne le ton. Il sera ici question d’identité et d’héritage, mais aussi de luttes et d’angoisses, d’un pays marqué au fer rouge par une violence et un racisme profondéme­nt enracinés. Si Will Butler affirme interroger avec ce deuxième album sa place dans l’Amérique d’aujourd’hui, il ressort de ces dix chansons une certaine lassitude (“I’m tired of waiting for a better day”, chante-t-il sur Close My Eyes ou encore “Let me lie down and join the dead” sur Bethlehem), et surtout beaucoup d’incertitud­es (I Don’t Know What I Don’t Know). L’ambiance électrique et délétère aux Etats-Unis semble peser sur William Butler, père de trois enfants, récent diplômé de Harvard en politique publique et fervent militant de l’engagement civique.

Quand il convoque sur Fine les fantômes de George Washington et de ses aïeux pour une opérette tragicomiq­ue relatant notamment les luttes pour l’indépendan­ce, Will Butler en profite pour pointer du doigt les maux historique­s de son pays, évoquant le meurtre de Hattie Carroll, serveuse noire de Baltimore, par William Zantzinger, jeune Blanc issu d’une riche famille de producteur­s de tabac. Un fait divers mis

en chanson par Bob Dylan en 1964 pour dénoncer le racisme de la société américaine et qui trouve ici une résonance toute particuliè­re : “My life’s more Zantzinger than Carroll”, affirme Butler, et c’est comme s’il sentait peser sur lui le poids d’une lignée blanche favorisée dans un pays déchiré par ses luttes intestines. Reste la musique, salvatrice. Si l’ambiance n’est pas toujours des plus lumineuses (l’electro minimalist­e et hermétique de Hard Times en point d’orgue), on sent que Butler et sa troupe s’éclatent, trouvant là d’indispensa­bles échappatoi­res. Les grooves synthétiqu­es propices aux déhancheme­nts sont rois (ambiance Django Django sur Outta Here, plutôt LCD Soundsyste­m sur Promised) et côtoient quelques compositio­ns héritées de la grande histoire musicale américaine ( Close My Eyes et son refrain springstee­nien, l’indie folk de Surrender ou le rock enflammé de Bethlehem). Un melting-pot rafraîchis­sant et nécessaire en ces temps troublés.

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