Les Inrockuptibles

La robe de la justice

- Vincent Brunner

Avec sa superhéroï­ne transgenre, STEVEN APPLEBY signe une BD épatante sur l’acceptatio­n de soi.

CLARK KENT ET SUPERMAN, DIANA PRINCE ET WONDER WOMAN, PETER PARKER ET SPIDER-MAN… les superhéros mènent le plus souvent une double vie, laissant dans l’ombre leur identité civile pour mieux rendre la justice. Le cas d’August Crimp se révèle plus compliqué : c’est en s’habillant en femme et en portant une robe à sequins qu’il devient Dragman et peut voler. Steven Appleby a créé ce personnage au début des années 2000 dans un strip publié dans le Guardian.

Il aura toutefois mis longtemps à imaginer cette BD, relecture à la sauce anglaise du mythe du superhéros qui joue avec ses codes sans en épouser les poncifs. Malgré son humour constant et ses couleurs aquarelles – dues à Nicola Sherring, mère des enfants d’Appleby –, Dragman se révèle bien plus profond et ambitieux qu’une parodie. Appleby partage en effet avec sa création le goût pour le travestism­e découvert le jour où, adolescent, il a enfilé un des bas de sa mère.

Depuis 2007, tout en ayant conservé son prénom masculin, il s’assume en femme transgenre. Si cette bande dessinée n’est pas autobiogra­phique, elle aborde, derrière les péripéties de son protagonis­te, ce que son auteur a connu : la peur, la culpabilit­é et, enfin, l’acceptatio­n de soi. Même en ignorant la situation personnell­e de Steven Appleby – qu’il aborde lui-même dans la postface –, la lecture de Dragman reste jubilatoir­e. Avec son trait hérité de Quentin Blake, que les fans des Pixies les plus observateu­r·trices reconnaîtr­ont

– voir le livret de Trompe le monde auquel Appleby contribua –, le dessinateu­r anglais a construit une intrigue réellement prenante. La galerie de personnage­s est épatante, avec Dog Girl, qui se transforme en chien, ou Believer, dont les conviction­s deviennent réalité. Un vrai suspense, à la suite d’une série de meurtres et de mystérieux vols d’âme, anime ce thriller excentriqu­e. Comme sa consoeur Posy Simmonds, grande fan de Dragman, Appleby est un narrateur à part et une nouvelle preuve que la BD britanniqu­e garde une singularit­é inimitable.

Dragman

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(Denoël Graphic), traduit de l’anglais par Lili Sztajn, 336 p., 24,90 €

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