La Mostra de Venise
Dans le contexte difficile d’une pandémie mondiale, l’édition 2020 du FESTIVAL DE VENISE a couronné le beau Nomadland de Chloé Zhao. Mais c’est aux marges de la compétition que l’on pouvait glaner des pépites comme le dernier film de Quentin Dupieux et un
A QUOI RESSEMBLE UNE GRANDE MANIFESTATION CULTURELLE SE DÉROULANT EN PLEINE ÉPIDÉMIE MONDIALE ? C’est à cette question, plus qu’à toutes autres, que devait répondre cette 77e édition de la Mostra de Venise, premier événement culturel de rayonnement international à se tenir dans ce monde sous Covid. Au prix de mesures sanitaires draconiennes (port du masque obligatoire en toute situation, billet uniquement dématérialisé, siège d’écart entre chaque spectateur·trice, caméras thermiques, checkpoints où l’on vous met en joue pour vérifier votre température à chaque passage, division du nombre d’accrédité·es par deux, interdiction des fêtes), le festival a pu se dérouler dans un climat pour le moins étrange. Un malaise, prévisible, était palpable dès la cérémonie d’ouverture : tapis rouge quasi désert, dents blanches et sourires pulpés tapis sous les mascherine et salle logiquement à moitié vide. Pour l’ambiance, il faudra repasser dans le monde suivant. Dans celui du jour, on se satisfait déjà d’être là, malgré tout.
Dans un tel contexte, force est de constater que le festival en tant qu’expérience collective et en tant que célébration est fortement mis à mal. Sans que l’on puisse savoir si, de bulle protégée, le festival est devenu un cluster en puissance : une atmosphère de méfiance régnait dans les travées du Lido, extraordinairement calmes et complètement désertes après minuit. En fait, cette Mostra ressemblait plus au salon du cinéma mondial, c’est-à-dire un espace avant tout à visée d’exposition des nouveautés pour la profession, qu’à un festival, c’est-à-dire un lieu où le cinéma se vend mais aussi se fête et se partage.
Comme attendu, c’est Nomadland, de la réalisatrice américaine Chloé Zhao, qui a remporté le Lion d’or décerné par le jury présidé par Cate Blanchett. Après Margarethe von Trotta, Agnès Varda, Mira Nair et Sofia Coppola, elle devient ainsi la cinquième cinéaste à le remporter, pour son troisième film – après les très beaux Les chansons que mes frères m’ont apprises (2015) et The Rider (2017). Le film suit le déclassement social d’une sexagénaire, incarnée par Frances McDormand, qui se retrouve à vivre sur les routes du Grand Ouest américain, telle une nomade d’un nouveau genre. Le film cochait toutes les cases d’un futur lauréat. Porté par une actrice reconnue et produit par un grand studio américain, Nomadland narre, à l’instar du Joker et de Roma, les deux derniers Lion d’or, le sort réservé aux personnes mises à la marge de la société. De plus, il faisait figure d’alléchant produit d’appel dans une compétition officielle un peu terne. Avec ce prix, qui lance la saison des récompenses du cinéma américain, Chloé Zhao renforce son statut de nouvelle coqueluche d’Hollywood et fait de son film l’un des favoris dans la course aux Oscars. Outre Nomadland, qui devrait arriver sur nos écrans le 30 décembre, elle est également aux manettes du film de superhéros qu’on a le plus hâte de voir, Eternals, dont la sortie est prévue pour début 2021.
Le reste du palmarès a notamment sacré New Order, du Mexicain Michel Franco, et Wife of a Spy de Kiyoshi Kurosawa, sans doute les deux auteurs les plus reconnus de la sélection officielle, avec Amos Gitaï et Nicole Garcia, qui sont, eux·elles, reparti·es bredouilles. On regrette en revanche qu’il en soit de même pour le puissant documentaire de Gianfranco Rosi, Notturno. Portrait en pointillés de la guerre civile, le film réussit là où de nombreux films vus cette année à Venise ( Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó, Quo Vadis, Aida ? de Jasmila Žbanic, Amants de Nicole Garcia, Laila in Haifa d’Amos Gitaï) échouaient : représenter la violence du monde sans que la mise en scène y puise ses artifices, dépeindre la cruauté tout en n’étant jamais cruel·le, en faisant toujours gagner un regard humaniste contre son pendant misanthrope.
Si certains films des compétitions parallèles ont retenu notre attention – notamment Saint Narcisse, le nouveau film de Bruce LaBruce, Residue de Merawi Gerima, un premier film politique puissant sur les inégalités raciales aux Etats-Unis, et The Wasteland d’Ahmad Bahrami, un film iranien placé sous influence de Béla Tarr et très justement récompensé à Orizzonti par la présidente de son jury Claire Denis – c’est hors compétition qu’il fallait se rendre pour voir les plus beaux films de cette édition.
D’abord avec le nouveau film de Quentin Dupieux, Mandibules. Après Le Daim (2019), le compositeur du morceau d’electro culte Vous êtes des animaux poursuit son exploration du bestiaire cinématographique avec cette comédie ultra-réussie. Alors qu’ils sont chargés d’une transaction douteuse, deux losers désargentés (Grégoire Ludig et David
Nomadland de Chloé Zhao